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Si les paroles de l’empereur expriment une vérité sociale, s’il est vrai, et pour nous cela est vrai, que la puissance d’une nation se mesure au chiffre de sa population active, virile et productrice, la patrie est en danger ! Pour être éloigné, le péril n’en est pas moins réel ; aux législateurs de 1867 le devoir d’aviser. Il ne s’agit plus ici de passions, de préventions, de préférences, de rancunes ou d’espérances politiques ; il s’agit d’un intérêt national.


I

Dans les pays comme le nôtre, où l’émigration ne joue qu’un rôle insignifiant, c’est par sa propre fécondité que la nation se conserve et se multiplie ; si elle augmente en nombre, cet accroissement n’est imputable qu’à la prédominance des naissances sur les décès. Que les décès augmentent ou que les naissances diminuent dans une forte proportion, l’accroissement s’arrête ; le chiffre des habitans reste stationnaire ou même diminue. Nous aurons donc à examiner quelle part ont prise dans le mouvement de la population française, natalité et la mortalité, et, comme le nombre des naissances dépend du nombre ou de la fertilité des mariages, nous aurons à rechercher si l’existence des armées permanentes a eu quelque influence à cet égard, quels résultats amènerait le développement continu de pareilles armées, quel a été dans les états voisins l’effet d’institutions tantôt analogues aux nôtres, tantôt complètement différentes.

Deux fois seulement depuis le commencement de ce siècle, le chiffre des décès a été supérieur en France à celui des naissances, ce fut en 1854 et en 1855, années heureusement exceptionnelles, car à la guerre de Crimée, qui nous coûta plus de 100,000 hommes, vint alors s’ajouter cet autre fléau non moins terrible que la guerre, le choléra. La France en 1821 avait 30,461,875 habitans ; quarante ans après, elle en avait 36,717,254 (non compris Nice et la Savoie). Absolument parlant, et à ne considérer ce fait qu’en lui-même, voilà un progrès incontestable ; mais qu’on ne se hâte pas de s’en réjouir. Si l’on compare nos derniers recensemens à ceux qui ont été faits sous la restauration, on verra que ce progrès ne s’est pas réalisé dans sa plénitude, que, contrairement à la loi qui préside à cet ordre de phénomènes, il est allé se ralentissant à vue d’œil, que la marche ascendante de la population a dû être entravée par quelque obstacle inaperçu, puisqu’un plus grand nombre d’hommes, au lieu de produire, comme cela est naturel, un plus grand nombre de rejetons, en a produit, contre toute attente, une