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renommées. La race du Nedjed est classée au premier rang. D’après M. Palgrave, il n’existe point dans le pays plus de cinq mille chevaux de sang pur, et ces magnifiques animaux n’appartiennent qu’aux chefs et aux Arabes opulens. Pour les posséder, il faut ou les recevoir à titre de don, ou les obtenir par héritage ou les conquérir par les armes. Le cheval nedjéen n’est pas une marchandise ; on ne le rencontre point dans le commerce, il ne s’achète pas à prix d’argent. Rien n’égale à cet égard la jalousie nationale. Lorsque par hasard un intérêt politique conseille au roi d’envoyer au sultan, au shah de Perse et au vice-roi d’Égypte quelques échantillons de la race du Nedjed, on ne se dessaisit jamais d’une jument, et l’on choisit l’un des moins beaux étalons du haras. Quant à l’Europe, elle ne connaît point encore le cheval nedjéen.

En ouvrant à M. Palgrave l’accès des écuries royales, Abdallah lui avait donné la plus grande marque d’amitié et de confiance dont un Arabe soit capable. Par malheur et peut-être à cause de la faveur dont il commençait à jouir, le docteur entendait l’orage gronder autour de lui. Les wahabites pur sang et les envieux étaient las de sa présence. L’animosité qui régnait entre les deux fils du roi, Abdallah et Saoud, et qui divisait la cour en deux camps, rendait la situation encore plus difficile. Vers la fin de novembre, Abdallah, qui avait paru prendre goût aux études médicales, s’avisa de demander à M. Palgrave diverses drogues et particulièrement de la strychnine. Son intention n’était point douteuse. Il connaissait la puissance foudroyante de ce poison, et, d’après divers indices, il était aisé de juger du premier coup qu’il voulait tout simplement s’en servir contre son frère Saoud. Le docteur résista. En Arabie comme ailleurs, on risque beaucoup à résister aux princes. Supplications, menaces, périls à ébranler le plus intrépide, rien ne put déterminer M. Palgrave à se rendre même indirectement complice des vengeances d’Abdallah. Il ne lui restait plus qu’à faire ses malles, sans demander ses passeports, et à partir au plus vite, ce qu’il fit le 28 novembre 1862 sous la conduite d’un Arabe qui lui avait toujours été fidèle et qui l’avait guidé avec beaucoup d’habileté à travers les mille écueils de la capitale wahabite. Encore quelques jours, et il serait resté à Riad beaucoup plus longtemps qu’il ne sied à un voyageur.

Voici donc M. Palgrave obligé de poursuivre, plus promptement qu’il ne l’eût désiré, ses pérégrinations à travers l’Arabie. Pendant cinq mois encore, il parcourt la péninsule dans la direction du sud-est. Il visite successivement les villes d’Hobbouf et de Katif, dans la province de l’Hasa, les îles Bahrein, les états de Katar et d’Oman, qui bordent le golfe Persique. Après avoir séjourné à Mascate,