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un rôle emprunté, ce n’était point chose facile ; jouer le rôle de docteur sans être médecin, cela ne laissait pas que d’être parfois embarrassant, même en Arabie. Ce régime de dissimulation nécessaire et continuelle était en outre très gênant pour recueillir des informations. Il y avait beaucoup de questions que M. Palgrave n’osait pas faire, parce qu’elles auraient trahi une curiosité trop indiscrète et éveillé les soupçons. Il ne pouvait prendre de notes qu’à la dérobée, et ces notes, écrites pour ainsi dire avec le crayon le plus pâle, étaient évidemment très sommaires. Quant aux observations sur la longitude, sur la latitude, sur la température, etc., qui exigent l’emploi d’instrumens de précision, il ne fallait pas y songer. Il en résulte que sur beaucoup de points le récit est incomplet, et se tient forcément à la superficie des choses. Contentons-nous des impressions du voyageur, à qui nous ne pouvions demander plus qu’il ne peut donner ; ces impressions empruntent d’ailleurs un grand intérêt à la nouveauté du sujet qui les inspire. Elles devaient être particulièrement excitées par un séjour assez prolongé dans la ville de Riad, où nous avons hâte d’arriver en négligeant les étapes intermédiaires.

Riad se divise en quatre parties distinctes. L’un de ces quartiers renferme le palais du roi ainsi que les habitations des hauts fonctionnaires et des gens riches, un autre est occupé par les saintes familles qui conservent la tradition de la pure doctrine wahabite, dont nous aurons à parler plus loin ; on y remarque de nombreuses mosquées, et dans l’intervalle compris entre chaque maison des oratoires, des fontaines pour les ablutions, tout ce qui peut rappeler les devoirs de la dévotion et de la prière. Le troisième quartier, sale, mal aéré, couvert de misérables maisons, est habité par la classe pauvre. Enfin le quatrième semble affecté particulièrement aux étrangers et aux Bédouins. La place du marché, qui s’étend à peu près au centre de la ville, devant le palais du roi et à proximité de la mosquée principale, est le rendez-vous de la population, qui y afflue de tous les quartiers et qui offre aux regards de l’étranger la plus curieuse bigarrure de types, de mœurs et de costumes. Les races des différentes régions de l’Arabie, les Bédouins de tous les déserts, les nègres d’Afrique, sont représentés sur la place de Riad. Quelle série de portraits pour le premier photographe qui osera visiter le Nedjed ! Quels sujets d’étude pour l’ethnographie ! Quelle mine précieuse pour le collectionneur, qui y trouverait notamment les divers modèles d’armes, sabres, yatagans, poignards, qui brillent à la ceinture de l’Arabe, sans oublier les longs fusils qui font souvent parler la poudre, car le Nedjéen est guerrier, et indépendamment des querelles particulières entre pays voisins ou des