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mêmes, l’amende, la mise à pied et l’exclusion. Ils gagnent quatre francs par jour pendant la première année de service et cinq francs au bout de trois ans ; une mesure récente, inspirée par le haut prix des denrées alimentaires, vient d’accorder à chacun des agens subalternes de l’entreprise une indemnité de pain de dix centimes par jour. C’est un bon état, facile, régulier, sans morte-saison, et qui profite de tous les avantages que l’administration offre à ses employés : soins gratuits de médecin, vêtemens au prix coûtant[1], caisse de retraite, caisse de secours. Aussi les demandes d’admission sont nombreuses, et il ne se passe pas d’année que le secrétariat de l’entreprise n’en ait douze ou quinze cents à enregistrer. On est difficile pour les cochers, et l’on a raison. Il faut une habileté spéciale pour conduire adroitement ces lourdes voitures dans les rues de Paris, où l’obstacle renaît sans cesse, où l’embarras se multiplie de minute en minute. Cependant l’omnibus a une telle ampleur que les autres voitures l’évitent avec soin et se rangent promptement à son approche. Dans les rencontres les plus violentes, il est rarement ébranlé, mole sua stat. Toute voiture, coupé, calèche, cabriolet, pirouette à son choc, il n’y a que les fardiers qui lui résistent : aussi il les respecte et leur cède sans discussion le haut du pavé. Les accidens causés par les omnibus sont relativement assez rares ; on a calculé qu’il s’en produisait un pour 4,800 kilomètres parcourus, et j’appelle accident tout ce qui peut donner lieu à un rapport, une vitre brisée aussi bien qu’une voiture défoncée, un essieu tordu aussi bien qu’un homme écrasé ; en somme, les accidens frappant les personnes et pouvant entraîner une incapacité de travail sont de un par jour ; ceux qui atteignent les voitures et qui méritent d’être signalés sont au nombre de deux.

Il fut un temps où les omnibus subissaient eux-mêmes des accidens graves et souvent irréparables. C’était dans les jours d’émeute. L’omnibus qui pouvait, sain et sauf, regagner son dépôt avait été favorisé du ciel ; à tous les coins de rues, les insurgés le guettaient ; on se jetait à la tête des chevaux, on les arrêtait, on faisait descendre les voyageurs, on laissait au cocher le temps de dételer ; puis la voiture, en deux coups d’épaule, était jetée bas, les roues en l’air ; on l’assurait de quelques pavés, on la flanquait de deux ou trois tonneaux remplis de sable ; au sommet du timon redressé comme un

  1. En 1868, l’atelier spécial de l’entreprise à livré au personnel 8,886 pièces d’habillement, représentant une valeur de 148,255 fr. 85 cent. Voici le prix auquel les cochers et les conducteurs peuvent se vêtir en s’adressant à l’administration : pantalon de drap, 20 fr. ; de coutil, 7 fr. ; veste de conducteur, 37 fr. 40 ; de cocher, 30 fr. ; veste fourrée, 50 fr. ; gilet, 9 fr. ; redingote en drap, 42 fr. ; en Orléans, 30 fr. ; caban, 52 fr. ; manteau, 60 francs.