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composé d’un rez-de-chaussée et d’un étage en brisis ; en bas sont les écuries ; en haut sont les greniers. Au milieu de la cour s’élève un hangar en bois soutenu par des piliers et séparé en trois larges avenues, c’est la remise ; c’est là que dans un ordre réglementaire sont rangées les voitures lorsqu’elles ont terminé le service journalier. Des pigeons, des poules picorent les grains d’avoine tombés des musettes, et paraissent vivre en assez bonne intelligence avec quelques chats et quelques chiens terriers chargés de faire la chasse aux rats. Un vaste abreuvoir demi-circulaire donne l’eau en abondance pour les chevaux et pour les besoins du service. L’infirmerie et la forge occupent un des coins de la cour. Chaque cheval acquis par la compagnie après essai est marqué au sabot d’un chiffre qui constate son identité ; puis on établit son état civil sur une fiche, on inscrit son âge, son signalement, son prix, ses qualités, ses tares, la date de son entrée au service, le nom du vendeur. Les petits chevaux venaient autrefois en grande partie de la Bretagne, mais cette province est épuisée ; on les tire maintenant de Normandie, les environs de Cherbourg produisent une race solide et fort estimée ; les gros chevaux arrivent du Perche et du Limousin. Ce n’est point une œuvre facile que de recruter la cavalerie de la Compagnie générale, et c’est avec raison, qu’un homme spécial a pu dire : « Il faut, pour le service de Paris, des chevaux de race énergique, habitués aux privations et à la misère. » Dans de bonnes conditions de nourriture, de logement et de santé, un cheval de fiacre dure de trois à cinq ans ; au bout de ce temps-là, il prend généralement le triste chemin de l’équarrissage.

Après avoir traversé une autre cour plus petite et côtoyée également par une double écurie, on pénètre dans de larges ateliers où l’on répare les voitures endommagées par accident ou par usure. Là on les repeint, on les capitonne, on remet le rais brisé, l’écrou perdu, le brancard éclaté, le marchepied faussé ; c’est à la fois l’hôpital et le cabinet de toilette des fiacres. Sur une planche fixée au mur, j’ai vu une vingtaine de bouteilles d’eau écarlate destinée à dégraisser le drap des coussins et des tentures. La Compagnie générale fait ce qu’elle peut pour n’offrir au public que des voitures propres et convenables ; elle n’y réussit pas toujours, mais ce n’est point sa faute ; ce qui lui manque, c’est le temps, sans lequel rien de bon ne peut se faire.

Au-delà de ces ateliers, s’ouvre une longue cour qu’on nomme plaisamment la Sorbonne des cochers. C’est là en effet qu’ils passent leurs examens, qu’ils prouvent s’ils sont aptes à conduire une voiture. La seule constatation de leur habileté ne suffit pas ; il faut qu’ils connaissent Paris, ce Paris multiple, enchevêtré, dont les