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témoignages de l’affection la plus sincère. Le roi de Prusse, quelques critiques qu’on puisse adresser à sa politique, a, on doit le reconnaître, l’âme facilement ouverte aux nobles sentimens. On dit qu’il a été touché des exhortations amicales de la reine. Cet épisode d’initiative monarchique et de sollicitude féminine aura une Influence très grande pour le maintien de la paix européenne. Quoi qu’il arrive, elle aura du moins adouci en passant les traits d’une situation triste. Une femme, une reine sortant de son deuil respecté pour apporter la paix là où les phaétons couronnés du continent avaient déchaîné la guerre, voilà une façon de gouvernement personnel devant laquelle s’inclineront les puristes constitutionnels les plus rigoureux.

En somme donc, on est en droit d’attendre d’excellens résultats de la prochaine conférence. La Prusse et la France se trouvaient toutes deux dans un mauvais pas. Pour en sortir, elles avaient chacune à faire une concession ; mais la difficulté était que ni l’une ni l’autre ne croyait pouvoir céder directement à sa voisine. La Prusse a bien compris, le langage de M. de Bismark l’avait laissé voir plus d’une fois, que les choses dans le Luxembourg ne sauraient rester sur l’ancien pied ; mais elle ne veut point laisser passer la citadelle dans la classe des ruines vénérables et des monumens historiques en ayant l’air de céder à une injonction française. La France ne voulait plus parler à la Prusse de l’acquisition du Luxembourg, et elle ne veut point, par un esprit de ménagement pacifique vraiment digne d’éloges, lui adresser une invitation à laquelle il ne serait point donné une réponse satisfaisante. Pour se tirer de cet embarras, il fallait trouver des tiers ou des confidens à la cantonade à qui les deux gouvernemens boudeurs et irascibles pussent porter leurs déclarations correctes et leurs résolutions pacifiques. Ces excellens confidens se sont heureusement rencontrés : ils formuleront, sous l’invocation de l’intérêt européen, le principe de la neutralisation du Luxembourg accordé par la France et le principe de l’évacuation de la forteresse accordé par la Prusse, et tout sera fini. Sérieusement, cette renaissance du concert des grandes puissances peut rendre à la paix de l’Europe, après une si chaude alerte, des gages de sécurité qu’elle ne possédait plus depuis plusieurs années. Des démarches actives et efficaces du cabinet britannique en faveur de la paix, accomplies avec l’assentiment reconnaissant du gouvernement français, sont le commencement plein de promesse d’une restauration de l’alliance occidentale. La France connaît aujourd’hui par une triste expérience combien l’existence ou l’évanouissement de cette alliance rend la paix forte ou précaire. Le Times disait récemment que l’Europe éprouvait depuis plusieurs années le besoin du policeman. Il n’y a plus de police en Europe quand l’Angleterre et la France ont le mauvais esprit de se diviser. Une leçon, peut-être plus importante parce qu’elle ne regarde que nous, est visible aussi à la sortie de cette confusion que l’affaire du