Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 69.djvu/239

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

arrangemens pris contre elle dans les traités de 1815, ne pouvait logiquement et honorablement supporter, après la transformation de l’Allemagne, l’état de choses créé par ces traités dans le Luxembourg. Si nous-mêmes nous n’avons point signalé et défini dès l’automne dernier la question luxembourgeoise, si dans les interpellations sur les affaires étrangères les orateurs éminens de l’opposition se sont abstenus d’indiquer cette difficulté, c’est que nous comprenions les uns et les autres la gravité du conflit que la situation du Luxembourg pouvait exciter entre la France et la Prusse, et que nous avions à cœur de ne point susciter intempestivement à notre pays une querelle périlleuse. Au fond, cette question du Luxembourg, au point de vue de la sécurité et de l’honneur de la France, n’aboutissait qu’à une conséquence nécessaire, l’évacuation de la forteresse par la garnison prussienne. Tous les droits que la Prusse avait à tenir garnison à Luxembourg tombaient non-seulement en équité, mais au sens littéral des traités, par le fait seul de la dissolution de l’ancienne confédération germanique. Il s’agissait donc d’amener la Prusse à reconnaître l’expiration de ses droits et à se conformer à la situation nouvelle. On devait espérer qu’on amènerait amicalement et pacifiquement le cabinet de Berlin à reconnaître la logique de cette situation ; on pouvait redouter aussi que, dans l’état d’effervescence où le mouvement d’unité a mis l’Allemagne, le gouvernement prussien, tout en reconnaissant au fond la justice de la demande de la France, n’éprouvât une grande difficulté à surmonter les susceptibilités du parti militaire et du parti libéral ; L’opposition libérale française ne pouvait faire éclater la question et conseiller une conduite sans assumer une dangereuse responsabilité, car elle ne connaissait point avec exactitude la nature et la mesure des relations qui existaient entre le cabinet des Tuileries et le cabinet de Berlin. Le parti libéral français a donc gardé une prudente réserve par un scrupule élevé de patriotisme. Ce n’est point lui qui a donné le branle à l’affaire du Luxembourg ; au contraire, pendant le cours des négociations secrètes pour l’acquisition de cette province, lorsque des étourdis optimistes comptaient sur le succès de cette annexion et ne se faisaient point faute, dans leurs chuchotemens mystérieux et railleurs, de l’annoncer comme un coup de théâtre qui, en plein débat, renverserait les critiques adressées à la politique du gouvernement et fermerait victorieusement la bouche à l’opposition confondue, cette opposition s’est obstinée à ne point prononcer une seule fois le nom du Luxembourg.

Une des bizarreries apparentes de l’affaire du Luxembourg, c’est la marche suivie par le gouvernement français. On se demande avec surprise comment il se fait que le cabinet des Tuileries n’ait point réclamé et obtenu le règlement de la situation du grand-duché au moment même où sous sa propre médiation se négociaient les préliminaires de Nikolsbourg, se signait le traité de Prague. Une question de cette importance, qui devait