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pas même sa suprématie absolue et universelle. Ce serait, dit-il, se tromper étrangement, que de penser qu’il travaille à replacer son pays sous des chaînes abhorrées. Que Rome, comme au Ve siècle, comme dans les ouvrages de Gerson et de Cusa, ait une primauté dans les conciles, que son évêque ait droit de la part des autres évêques à une déférence gracieuse en matière de foi, l’auteur accepte sans peine un principe aussi conforme à l’histoire ; mais il s’élève de toutes ses forces contre la prétention à la suprématie s’exerçant dans la définition des dogmes, la nomination et l’investiture des évêques. Il s’agit bien en effet aujourd’hui de favoriser l’ambition des pontifes de Rome ! La cause qui se débat est plus grande, plus sainte, plus chrétienne, c’est la cause même de Dieu. « Le rationalisme fait crouler chaque jour quelque partie de la muraille du temple… Unissons-nous pour résister… O Seigneur, ne tardez pas. »

Une intime union entre les filles de Jésus-Christ pour combattre un ennemi menaçant, tel est l’appel que l’église d’Angleterre semble adresser aujourd’hui à ses sœurs d’Orient et d’Occident. Il y a un an à peines les plus eminens prélats anglo-catholiques sont entrés en communion directe avec la grande église orientale. Certes ce fût un curieux spectacle que le meeting tenu à Londres le 25 novembre 1865. Le primat de Cantorbéry ainsi que dix évêques s’y étaient fait représenter, et quatre-vingts ; prélats ou membres de la high-church s’étaient réunis sous la présidence de l’évêque d’Oxford. A côté d’eux siégeaient de hauts dignitaires russes et un pope, légat du métropolitain de Moscou. « Nous prions tous les jours pour l’unification de la sainte église catholique, » s’écria le prêtre grec. — « Unis par la même foi, repartit un des évêques, que notre communion soit désormais parfaite ! Grecs catholiques, venez participer aux sacremens de notre église ; que la porte de vos temples s’ouvre aussi devant les anglo-catholiques, vos frères en Jésus-Christ ! » Une résolution fut unanimement prise. L’église d’Angleterre devait envoyer à Moscou plusieurs de ses membres pour se mettre en rapport avec les écoles d’Orient ; elle était prête à recevoir dans ses universités les Orientaux députés par le clergé ; puis, par un mouvement spontané, se levant à la fois, Grecs et Anglais se mirent en prière et, mêlant leurs vœux dans une même oraison, supplièrent « le père commun ; le Christ rédempteur, auteur de l’église une, » de rendre paix et concorde à ses enfans.

Telle est la situation de l’église anglo-catholique, telle est la dernière expression de sa doctrine. Que de chemin parcouru par ses membres depuis 1833 ! Œuvre d’un petit groupe de théologiens, le mouvement embrasse aujourd’hui tout l’empire britannique.