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juridictions exceptionnelles, grâce auxquelles depuis longtemps le pouvoir civil en Angleterre est parvenu à asseoir sa suprématie religieuse. Par une étrange raillerie de ses propres principes, l’évêque d’Exeter se vit donc traduit devant un juge laïque décidant au nom de la reine. Il refusa de comparaître, et, convoquant en synode le clergé de son diocèse, déféra à la sainte assemblée les doctrines de l’homme qu’on cherchait à lui imposer. Saisi de cette affaire, le synode n’hésita pas à déclarer hérétique le protégé des ministres, et impies ses doctrines.

Ce débat engagé entre l’évêque et l’état préoccupait au plus haut point l’attention du pays. Les anglo-catholiques surtout se montraient anxieux. Ceux qui, dans une occasion récente, avaient admis comme dogme la suprématie de la couronne ne savaient à quoi se résoudre. L’évêque était rebelle, se disaient-ils dans leurs perplexités, mais l’état serait-il hérétique ? — L’état fut hérétique. La cour des Arches condamna formellement le prélat, et, par une interprétation canonique des trente-neuf articles, déclara bonnes et conformes les doctrines du pasteur Gorham.

A cette nouvelle, grande fut l’émotion dans toute l’église. Treize hauts dignitaires de l’établissement se réunirent spontanément pour se concerter sur le parti à prendre en si grave occurrence. Ils avaient appelé en conseil plusieurs docteurs des universités, entre autres M. Pusey. « Pouvons-nous rester, se demandèrent-ils avec angoisse, dans une église où le pouvoir séculier nous impose des décisions contraires à la foi catholique ? » Un débat orageux s’éleva sur cette question. « Rompons avec l’église d’Angleterre, s’écriait, et non pas seul, l’archidiacre Manning ; nous nous perdons à sa suite ! » — « Non, répondaient les autres, restons, coûte que coûte, unis à notre église ; mais traçons autour d’elle des limites que l’état ne puisse franchir. » M. Pusey soutenait avec chaleur ce dernier avis. Il comprenait bien en effet quel était le danger d’une formule trop absolue, et s’il s’effrayait des empiétemens de l’état, il redoutait bien plus encore ceux de la cour romaine. Après un long délibéré, on s’accorda enfin sur six propositions, qui, séance tenante, furent signées et bientôt publiées. On y protestait contre la décision récente du tribunal des Arches, et on déniait à l’état tout pouvoir en matière dogmatique. Répandus dans plusieurs diocèses, ces articles se couvrirent rapidement de nouvelles signatures. Alors, suivant l’impulsion donnée, une partie de l’établissement, restée jusqu’alors en arrière, fut entraînée dans le mouvement anglo-catholique.

On s’aperçut aisément de ces tendances dans les convocations provinciales qui, en 1854 et 1855, siégèrent à Cantorbéry et à York. La convocation de Cantorbéry fut extrêmement agitée, et on