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et les sentimens le plus profondément enracinés dans le cœur humain firent explosion à la fois. Les uns, dans l’ardeur de leur patriotisme, repoussaient cette tentative comme une atteinte portée à la grandeur de leur pays et une menace pour ses libertés ; les autres redoutaient pour leurs familles les saintes séductions, les engagemens irréfléchis et les déchiremens inévitables. « Que les chaînes de Rome sont lourdes ! s’écriait amèrement un des journaux les plus accrédités ; jadis nos pères en ont trouvé le poids intolérable, et ils s’en sont affranchis. Quelle calamité nous menace, si nous, lâches enfans de ces généreux ancêtres, nous devons encore plier sous ce joug !… Qui n’a pas éprouvé la douleur de voir son fils ou sa fille devenir papiste n’a pas connu les douleurs humaines !… » Obéissant à l’impulsion générale, le parlement répliqua au manifeste ultramontain par le bill des Titres ecclésiastiques, et défendit de prendre ou donner sans le concours de l’autorité royale un titre ecclésiastique impliquant juridiction dans les trois royaumes. On vit même les chefs de deux illustres maisons, restées jusqu’à ce jour fidèles au catholicisme, abjurer publiquement le culte séculaire de leurs familles pour embrasser la foi de la patrie émue. « Ce noble pays, disait à la chambre haute lord Effingham, ne peut tolérer l’insolence romaine même pendant une heure ! »

Bientôt, se détournant de Rome, les colères protestantes se déchaînèrent sur l’église anglo-catholique et sur ses membres. C’étaient ces novateurs, c’étaient leurs avances à une odieuse domination qui avaient encouragé « l’agression papale. » Une voix formidable, partie de toutes les chapelles non-conformistes, criait à la trahison. Les pamphlets se multiplièrent. « Puséistes, disait un libelle répandu en tous lieux, ôtez vos masques et montrez-vous tels que vous êtes, les soldats d’avant-garde des jésuites ! » La presse périodique partageait ces fureurs. « O honte, crainte et colère, s’écriait la Revue d’Edimbourg, nous sommes livrés ! S’il est douloureux de voir le pape affirmer son odieuse domination sur cette terre libre, n’est-il pas plus irritant encore de découvrir qu’il est aiguillonné par d’incessans appels…. La garnison placée pour défendre la cité n’ose pas encore ouvrir les portes, mais elle abandonne les murailles. »

Après les injures des journaux commencèrent les attaques dirigées par les corps constitués et le gouvernement lui-même. Sous forme de lettre à l’évêque de Durham, lord John Russell publia un manifeste insultant pour les anglo-catholiques. « Les membres de notre clergé, disait-il, ont été les premiers à conduire leur troupeau sur les bords de l’abîme : le culte des saints, l’affirmation de l’autorité de l’église, la superstition du signe de la croix, la