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justification et du purgatoire ? La conscience d’Elisabeth se révoltait-elle contre la messe ? — Non, la suprématie du pape, voilà quel était l’unique objet de leur aversion. » Cette question une fois écartée, M. Newmann abordait la question dogmatique. Or dans les erreurs reprochées au papisme il voyait trois choses : l’enseignement catholique des premiers âges, les dogmes purement romains formulés dans les derniers conciles, celui de Trente en particulier, — les croyances populaires et les usages récens propres à l’Italie. L’enseignement des premiers âges avait, selon lui, été reconnu sans conteste, et les croyances populaires avaient été désavouées ; restaient donc les dogmes d’essence romaine. Sur ce seul point pouvait s’élever la controverse. D’abord le concile de Trente avait-il été rejeté d’une façon absolue par les articles ? Oui, au dire des théologiens protestans, non, au sens de l’auteur. Comment le concile de Trente eût-il pu être condamné par des articles antérieurs à la promulgation de ses décrets ? Et, sans s’arrêter à ce premier argument, ne trouvait-on pas dans les Homélies et dans le Prayer-book la plupart des dogmes du concile de Trente ? « La reconnaissance des doctrines des huit premiers siècles de l’église, la soumission aux six grands conciles, l’inspiration divine accordée non-seulement aux apôtres, mais aux pères ecclésiastiques, eux-mêmes, la perpétuité du sacrifice eucharistique sous la forme du pain et du vin, l’ordre, le baptême, le mariage proclamés sacremens. » De ces dogmes, les uns appartenaient à l’enseignement du catholicisme primitif, les autres au développement du catholicisme occidental. Le concile de Trente, il est vrai, ne distinguait pas ; mais les auteurs des articles distinguaient-ils davantage ? Comment alors oser dire, ainsi que le faisait la théologie protestante, que ces articles avaient soigneusement séparé « l’enseignement du Christ des erreurs volontaires fabriquées à Rome ? » — L’auteur continuait en prenant à partie anglicans et dissenters. Il leur montrait la nécessité d’une tradition et d’une autorité divine. « Nier la tradition, ses doctrines et ses règles, disait-il, c’est détruire l’édifice de l’ancien christianisme, assis sur la base même de l’Écriture. Prétendre que cette base n’eût jamais pu porter un aussi vaste édifice, c’est mettre en doute la solidité même de la base… Acceptons la tradition ou ne soyons pas chrétiens[1]. »

Une véritable tempête suivit l’apparition du Tract XC. De toutes parts les voix s’élevèrent pour accuser les universités de leur tendance « à l’idolâtrie. » — « Aller d’Oxford à Rome » devint une plaisanterie habituelle dans la bouche des non-conformistes ; bientôt même on reprocha à l’épiscopat d’être de connivence avec le

  1. Newmann, A l’évêque d’Oxford sur le Tract XC, p. 16.