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sortaient chaque jour des attaques contre la divinité du Christ. L’un soutenait qu’il était né dans le temps, l’autre affirmait qu’il n’était qu’un homme au-dessus de l’humanité ; pour un troisième, c’était le prophète précurseur de la philosophie morale. Les trente-neuf articles de foi ne s’appelaient plus que les articles de paix, et les prélats, pour les défendre, employaient d’étranges argumens. « Qu’importe, écrivait Hoadly, qu’on les croie, pourvu qu’on les signe ? » Un jour de l’année 1772, deux cent cinquante clergymen adressaient une bizarre pétition au parlement. « Qu’on nous relève, disaient-ils, de notre serment d’obéissance aux trente-neuf articles ; ils sont par trop contraires aux préceptes d’une saine philosophie. » Toute l’église basse, il faut le dire, ne poussait pas aussi loin l’indifférence pour ses propres intérêts. N’ayant plus à redouter sa rivale du XVIIIe siècle, elle poursuivait maintenant de ses colères ses anciens alliés les dissidens. Pour les atteindre, elle avait laissé en usage ou remis en vigueur les plus odieux édits promulgués par le fanatisme des Stuarts. Pendant ce temps, à la fois incrédule et intolérante, la basse-église disposait des évêchés, des canonicats, des doyennés, des archidiaconats, des vicariats et des cures, s’attribuait d’énormes et scandaleux bénéfices, percevait la dîme et habitait les palais. Jamais la terrible parole du quaker George Fox n’avait été plus vraie : la cloche de l’église était devenue la cloche du marché.

Une réaction était inévitable. Deux hommes de bien, Wesley et Withefield, essayèrent de faire rentrer l’église dans « la voie du Seigneur. » Ils s’érigèrent en défenseurs des vieux dogmes calvinistes de la prédestination absolue et de la réprobation particulière ; mais la low-church officielle les repoussa comme dissidens, et les évêques refusèrent l’ordination à leurs disciples. Alors ces hommes se mirent à prêcher en plein air, et chaque dimanche on put entendre Withefield, entouré d’un millier d’auditeurs, annoncer que les temps étaient proches. Son regard ardent, sa parole incisive, ses gestes passionnés, produisaient de terribles effets. Au dire des contemporains, les assistans tombaient du haut mal et avaient des visions miraculeuses. « C’est, disait le réformateur, la grâce qui opère. »

Pendant que le peuple se jetait avec enthousiasme dans les rudes sentiers du méthodisme, une réforme à peu près semblable s’opérait dans le sein de la low-church officielle. Plusieurs personnages éminens, en tête desquels était Wilberforce, s’efforçaient de rendre foi et charité à l’incrédule église du XVIIIe siècle. La révolution française y coopéra de son côté, et la déesse Raison ramena les hautes classes au culte de Jésus-Christ. Grâce à ce renouveau de la foi, de grands et saints efforts furent tentés ; la traite des noirs fut