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les témoignages sympathiques d’une hospitalité courtoise ! voilà l’épisode tout nouveau, bien inattendu, auquel nous venons d’assister. Le motif de ces rapprochemens si étonnans est une fête industrielle qu’on pourrait appeler les jeux olympiques du travail moderne, c’est notre belle exposition unissant les peuples par l’émulation des productions utiles, des inventions scientifiques et des œuvres d’art.

À notre sens, le premier résultat de cette éclatante manifestation doit être considéré comme favorable à la démocratie française. Les fêtes qui ont été données à l’occasion des excursions des revenans monarchiques du passé n’ont dû leur succès qu’à la participation des masses françaises. Nos immenses foules ont été intéressées ; elles ont eu le sentiment de la puissance, de la fécondité, de la richesse de la démocratie française. Les circonstances qui amènent sur la voie publique toutes les classes nationales et leur donnent la conscience vivante de leur valeur profitent aux démocraties et communiquent une impulsion générale à leur vie sociale et politique. Il n’y a de grand en France, les observateurs clairvoyans le savent, que la nation. Tout ce qui tend à convaincre la nation de sa grandeur contribue à son éducation libérale, et la prépare à prendre l’autorité qu’elle doit avoir sur la direction de ses destinées.

Touchés du grand effet national des démonstrations auxquelles nous venons d’assister, nous avons peu de goût à rechercher la portée que les voyages princiers peuvent avoir au point de vue des relations des cabinets. Des chefs d’empire, assure-t-on, ne peuvent se déplacer et se réunir, escortés de leurs premiers ministres, sans faire de la diplomatie et de la politique. M. de Bismark, disent ceux qui se croient malins, n’a point accompagné chez nous son vieux roi seulement pour nous montrer son armet de Mambrin ; le prince Gortchakof a infiniment d’esprit ; il a rompu en 1863 notre négociation sur la Pologne avec une hauteur qui ne se peut oublier ; la conduite, le langage qu’il a tenus à l’égard de la France depuis cette époque ne donnent point à penser qu’il n’est venu chercher ici à la suite du tsar que des distractions de sceptique. On assure que M. le prince Gortchakof, ne fût-ce que pour se donner une contenance, représente son voyage comme ayant une plus haute portée. Le renouvellement des bons rapports entre la France et la Russie serait, suivant lui, le prélude de grandes choses. Là-dessus, les pronostiqueurs cherchent en Orient l’objet des grandes vues dont la cour de Pétersbourg demanderait le succès à une entente avec la France. Ces hypothèses et ces conjectures ne nous inspirent point d’alarme. Nous ne voyons en Europe aucune affaire importante que la France puisse conduire en ce moment avec la Prusse ou avec la Russie.

La tâche de la Prusse est tellement concentrée sur l’Allemagne, que la France ne saurait avoir de concours à demander ou à fournir à la cour de Berlin. Il n’est rien que la Prusse puisse faire pour nous ou que la France