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Il se fit un silence, chacun des convives méditant à part lui ces ironiques paroles. Tout à coup le vieux Domenico Venturi, s’arrachant à sa rêverie par une sorte d’effort : — Ah ! signori miei, s’écria-t-il, cette affaire d’Empoli nous a fait bien du tort… un tort qui ne sera peut-être jamais réparé.

— De quoi s’agit-il ? demanda le professeur avec empressement. Je n’ai entendu parler de rien… Que s’est-il passé à Empoli ?

— On a perdu là une chance qui ne se représentera plus, reprit le libraire avec une véhémence croissante… Il fallait y écraser la semence du mal, l’écraser à jamais dans son germe.

Les deux jeunes gens se regardaient étonnés. Gemma, qui comprenait mieux l’allusion, leur jetant un coup d’œil suppliant, semblait implorer leur indulgence.

— Quel mauvais germe fallait-il donc, écraser à Empoli ? hasarda cependant le docteur. Veuillez donc nous le dire, signor Domenico.

— Florence, parbleu, Florence, la cité des traîtres et des tyrans, Florence, le berceau de l’oppression, Florence qu’on eût vu écrasée là, si Farinata n’avait pas été assez insensé, assez dupe pour l’épargner, à son grand dam et au nôtre !

Ils s’aperçurent alors que le vieillard revivait par la pensée au sein de passions et d’événemens six fois centenaires. Cette « mauvaise affaire » d’Empoli était tout simplement la résolution prise en conseil de guerre par les gibelins victorieux, qui se décidèrent sous l’influence généreuse et magnanime de Farinata degli Uberti, — comme le savent tous les lecteurs de la Divine Comédie, — de ne pas détruire cette Florence, qu’une défaite mettait à leur merci.

Parenti et Gino se jetèrent un regard de stupéfaction. Il semblait qu’on vînt d’ouvrir devant eux une de ces maisons-tombes que recouvrent les cendres de Pompéi, et où parfois, nous est-il dit, ou entrevoit un instant, lorsque, s’ouvre la porte fermée depuis des siècles, une forme jadis vivante, disséminée aussitôt en subtile poussière. Tels leur apparaissaient ces haines, ces ressentimens séculaires conservés sous leur forme primitive dans le cœur d’un homme de notre temps. »


N’allez pas, malgré l’espèce de spécialité qu’il s’est faite, attribuer à M. Angusius Trollope le monopole des études anglo-italiennes. Sur cette terre consacrée, qui a pour eux le charme des souvenirs classiques, des sites pittoresques, du climat adouci, des relations sans gêne et sans morgue, beaucoup d’écrivains anglais ont suivi les traces de Byron et de Shelley. Mme Elisabeth Browning veut être citée, au premier rang comme la plus éminente et la mieux inspirée de tous. On n’oubliera pas de si tôt les vers qu’elle a datés des fenêtres de la Casa-Guidi. D’autres viennent ensuite, parmi lesquels nous ne voulons nommer aujourd’hui que M. Alfred