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tout l’impôt foncier sous la forme des vingtièmes qui ne donnaient lieu à aucun privilège ; 2o soumettre à un régime uniforme dans toutes les parties du royaume la gabelle, les aides et les autres impôts indirects ; 3o percevoir les impôts en régie et supprimer les fermiers-généraux. C’est le plan que Necker essaya d’exécuter et qui aurait certainement réussi sans la révolution. Il valait mieux que celui des économistes, en ce qu’il était moins radical. Quant aux emprunts publics, Adam Smith partage l’opinion de Quesnay et de ses disciples ; il considère ces emprunts comme extrêmement pernicieux, tout en reconnaissant qu’ils peuvent être quelquefois nécessaires, et remarque que quand la dette nationale s’est une fois grossie jusqu’à un certain point, il n’y a pas d’exemple qu’elle ait été loyalement payée ; la libération du revenu public ne s’est jamais faite, dit-il, que par le moyen d’une banqueroute ouverte ou déguisée.

En France, malgré les attaques qu’on ne leur épargnait pas, les doctrines des physiocrates eurent plus de conséquences pratiques qu’on ne le croit communément. Pendant les trente ans écoulés de 1760 à 1789, — et qu’est-ce que trente ans dans la vie des peuples ? — elles inspirèrent de nombreuses mesures d’administration. Deux contrôleurs-généraux des finances, MM. de Fourqueux et d’Ynvau, inclinaient à les appliquer, et elles furent assez fortes pour porter Turgot au ministère. Trudaine donna sous leurs auspices cette impulsion aux travaux publics qui avait doté la France de sept mille lieues de chemins avant la révolution. Abeille et Dupont de Nemours remplirent des fonctions publiques importantes. La libre circulation des grains fut accordée et retirée à plusieurs reprises. Quelques privilèges commerciaux furent abolis. Plusieurs intendans entreprirent des réformes de détail dans leurs généralités. Les assemblées provinciales furent instituées. Ce qui profita surtout du mouvement imprimé aux esprits, ce fut la grande cliente de Quesnay, l’agriculture. La Société d’agriculture de Paris fut fondée en 1761, et de nombreuses sociétés s’établirent à son exemple dans les provinces. Le haras de Pompadour est de 1763, l’école d’Alfort de 1766. L’agriculture devint à la mode ; une foule d’écrits parurent sur des sujets champêtres, et le théâtre même, entre les mains de Sedaine et de Grétry, ne montra plus que des scènes de village. Cet engouement rural, comme disait Mably, porta ses fruits. Quand on compare les évaluations de Quesnay vers 1750 à celles de Lavoisier en 1790, on trouve que, dans cet intervalle, l’agriculture avait doublé ses produits, et la rente des terres, objet principal des sollicitudes de Quesnay, avait quadruplé.

Le mouvement de la population, qui se règle sur les subsistances,