Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 68.djvu/995

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pos de l’impôt unique, il s’attache à démontrer que la puissance législatrice et exécutrice, dont il ne fait qu’une seule puissance contrairement aux idées de Montesquieu sur la division des pouvoirs, est co-propriétaire de toutes les terres et a droit à ce titre à une part du produit net ; idée assez juste au fond, mais qui perd beaucoup à se présenter avec cette rigueur et qui répugne surtout par les conséquences qu’on peut en tirer. Quelle est la proportion de cette co-propriété ? Est-elle du quart, de la moitié, des trois quarts ? La propriété privée peut finir par disparaître en s’absorbant dans la propriété publique. À part ces excès regrettables, La Rivière s’attache avec force à l’idée principale de Quesnay, dont tout son livre est le développement ; il a pris pour épigraphe ces mots de Malebranche : l’ordre est la loi inviolable des esprits, et rien n’est réglé s’il n’y est conforme. Au moment où les écrits de Rousseau répandaient cette funeste doctrine, que la société repose sur des conventions que la volonté humaine a faites et qu’elle peut par conséquent défaire, l’école de Quesnay cherchait dans la nature de l’homme une base inébranlable. « Propriété, sûreté, liberté, disait La Rivière en concluant, voilà tout l’ordre social ; le droit de propriété est un arbre dont toutes les institutions sont des branches. »

On n’en finirait pas si l’on entreprenait de citer tous les écrivains de ce temps qui se rattachaient par un lien plus ou moins étroit à l’école de Quesnay. Parmi eux, il est impossible de passer sous silence Condillac et Condorcet. Le livre publié par Condillac en 1776 : Du commerce et du gouvernement considérés relativement l’un à l’autre, lui a été évidemment inspiré par la lecture des physiocrates. Ce traité se distingue par les mêmes qualités de style et d’analyse que ses autres écrits ; on y trouve une élégance, une précision et une clarté qui manquaient trop souvent aux économistes de profession. À son tour, Condorcet a écrit une Vie de Turgot où il adopte toutes les opinions du plus illustre apôtre des idées économiques, et il a pris la défense des physiocrates contre Voltaire dans les notes qu’il a mises à l’édition de Kehl. C’est de lui qu’est cette phrase caractéristique : « ceux qui ont dit les premiers que les principes de l’administration des états devaient être les mêmes dans les monarchies et dans les républiques ont été utiles aux hommes en leur apprenant que le bonheur était plus près d’eux qu’ils ne pensaient, et que ce n’est pas en bouleversant le monde, mais en l’éclairant, qu’ils peuvent espérer de trouver le bien-être et la liberté. » Condorcet lui-même aurait bien dû conformer un peu plus à ce jugement sa conduite politique.

À l’étranger, l’école physiocratique fit de nombreux prosélytes. Il suffit de nommer Beccaria et Verri en Italie, Campomanès et Jo-