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tion des récoltes et par conséquent l’utilité suprême de la production du bétail. Tous les agronomes du temps répétaient déjà la même formule. Voici ce que disait Le Roy, lieutenant des chasses du parc de Versailles, dans l’article ferme de l’Encyclopédie : « J’ai sous les yeux une ferme de plus de 300 arpens (150 hectares) ; ces terres étaient entre les mains d’un fermier qui les fumait très mal ; elles ne rapportaient que 3 à 4 setiers de blé par arpent dans les bonnes années (de 9 à 12 hectolitres à l’hectare). Il s’est ruiné, et on a été contraint de remettre la terre à un cultivateur plus industrieux. Tout a changé de face ; la dépense n’a pas été épargnée, les terres ont été couvertes de troupeaux et de fumier, en deux ans elles ont été améliorées au point de rapporter 10 setiers de blé par arpent (30 hectolitres par hectare), et d’en faire espérer encore plus par la suite. »

Quesnay se prononce enfin pour la grande culture, comme rapportant toujours plus de produit net. Cette thèse exclusive deviendrait aujourd’hui matière à contestation, et si Quesnay lui-même renaissait, il modifierait sans doute ce que l’expression de sa pensée avait de trop absolu. L’expérience démontre en effet que la petite culture peut rapporter dans certains cas non-seulement plus de produit brut, mais autant et plus de produit net que la grande. Ce qui est vrai, c’est que du temps de Quesnay la grande culture existait à peine ; lui-même l’avait constaté dans ses articles de l’Encyclopédie. Le progrès ne pouvait s’introduire que par des exploitations plus riches et plus étendues, où de meilleures méthodes servies par de plus forts capitaux donneraient l’exemple de plus grands profits. Dans l’état d’ignorance et de pauvreté où elle avait été maintenue, la population rurale ne pouvait pas se relever. On doit d’ailleurs remarquer qu’il ne s’agit ici que des terres employées à la culture des grains, et c’est en effet pour la production des céréales que la grande culture procure les résultats les plus avantageux.

« 16. — Que l’on n’empêche point le commerce extérieur des denrées du cru, car tel est le débit, telle est la reproduction.

« 17. — Que l’on facilite les débouchés et les transports des productions et des marchandises de main-d’œuvre par la réparation des chemins et par la navigation des canaux, des rivières et de la mer, car plus on épargne sur les frais du commerce, plus on accroît le revenu du territoire. »

L’exportation des blés avait été autrefois libre en France, et du temps de Henri IV nous vendions du blé à nos voisins. Depuis Colbert, cette exportation était interdite. C’est un des plus grands bienfaits de l’école économique d’avoir combattu cette funeste mesure. Telle est la puissance des préjugés qu’il n’a pas fallu moins