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communiquent avec la plaine au moyen de radeaux de bambous. C’est dans la plaine que commencent les difficultés, car la rivière, obstruée par les atterrissemens, se divise en une foule de petits canaux qui inondent le pays et se jettent isolément dans le Sittang. Il faudrait creuser un canal avec un lit bien déterminé ; mais il serait à craindre que ce travail ne soulevât les réclamations des villages voisins, qui seraient privés des eaux que leur fournit l’inondation actuelle. Les plus belles forêts de teck de toute la Birmanie, sinon comme étendue, du moins sous le rapport de la dimension des arbres et de la consistance des peuplemens, sont celles du bassin du Salween. En général, le fond des vallées et les pentes sont seuls occupés par le teck, le sommet est couvert d’arbres verts ; mais ce qui prouve que ces forêts sont restées jusqu’ici à l’abri des dévastations, c’est qu’on rencontre gisans sur le sol une grande quantité d’arbres morts qui, faute de moyens de transport, pourrissent sur place.

La création de routes, l’ouverture de canaux, l’amélioration du lit des rivières, tels sont les travaux indispensables pour mettre en valeur les richesses forestières encore inexplorées. Ils présentent d’extrêmes difficultés en raison des énormes distances auxquelles il faut transporter les travailleurs, les provisions et les outils, et de l’insalubrité des lieux, qui ruine les constitutions les plus robustes ; mais les résultats à obtenir valent bien ces sacrifices, car d’après M. Brandis l’étendue des forêts de teck en Birmanie n’est pas moindre de 619,000 hectares ; elles pourraient produire au moins 1 million de mètres cubes, qui, rendus à Moulmein ou à Rangoon, vaudraient 75 millions de francs. En 1861, ces deux ports n’ont reçu que 127,000 tonnes. Depuis la domination anglaise cependant, ils ont fait d’énormes progrès ; le premier, qui a aujourd’hui 52,000 habitans, reçoit une partie des bois qui viennent de Siam ; le second, qui depuis 1852 a vu sa population passer de 18,000 à 55,000 habitans, est la seule communication de l’empire birman avec la mer et par conséquent l’entrepôt de toutes les marchandises de cet empire. Pendant cette même année 1861, les forêts de la Birmanie anglaise ont rapporté au gouvernement 396,885 roupies (936,648 francs), non compris les bois affectés aux services publics ; les dépenses de toute nature ont été de 322,335 roupies (760,710 fr.), Le bénéfice à donc été de 74,550 roupies (175,938 fr.), ce qui est encore peu de chose, en comparaison de ce qu’on peut espérer pour l’avenir. En 1863 en effet, ce chiffre s’est élevé à 317,399 roupies (745,900 francs) en y comprenant un droit de 241,929 roupies, payé pour le flottage et la conservation dans des lieux de dépôts de 94,600 pièces de teck venant du royaume de Siam et de l’empire birman.