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le Thoungyen et forme avec celui-ci la limite orientale de la Birmanie an glaise. Tous ces cours d’eau, offrant une très grande facilité pour le flottage des bois, ont permis d’entreprendre depuis fort longtemps déjà l’exploitation des forêts qu’ils traversent, et c’est à eux que Moulmein et Rangoon doivent d’être devenus les deux grande entrepôts du commerce du teck dans l’Inde. Ce n’est toutefois que quand ces fleuves auront été débarrassés des rochers qui les encombrent dans leur cours supérieur, qu’ils pourront amener jusqu’à la mer les produits des forêts les plus reculées, jusqu’ici à peu près inaccessibles.

M. Brandis a fait de chacun de ces bassins principaux une étude spéciale, soit au point de vue des ressources qu’ils peuvent offrir, soit en vue des travaux à y exécuter. Dans celui de l’Irrawaddy, il a reconnu de grandes étendues de forêts de teck encore inexploitées, dont les plus importantes sont celles du Zamayee. Elles occupent la partie centrale de la chaîne de montagnes qui sépare le bassin de l’Irrawaddy de celui du Sittang, chaîne dont l’élévation moyenne ne dépasse pas 1,500 pieds. Elles ont été préservées de la hache du bûcheron par les rochers qui empêchent le flottage, mais ces obstacles n’ont pu les mettre à l’abri des dommages causés par le kumari. Ces montagnes en effet étaient autrefois habitées par des tribus indépendantes appelées Karens, qui, sous les ordres de leurs chefs, tenaient en respect les Birmans de la plaine. Une invasion de rats survenue en 1853 ayant détruit les récoltes força une partie de la population à émigrer, au point qu’aujourd’hui elle n’occupe plus que dix villages, au lieu de cinquante qu’elle peuplait autrefois. La culture devait à cette époque s’étendre annuellement au moins sur 1,000 hectares, si bien que pendant les cinquante dernières années elle a dû parcourir la contrée entière, qui en a 50,000 à peu près, et comme avant la domination anglaise le teck était non pas réservé, mais abattu avec les autres bois, il en résulte qu’on n’y rencontre pas, aujourd’hui d’arbres ayant plus de soixante ou soixante-dix ans.

Les forêts du Sittang sont également en partie restées inexplorées jusqu’ici : elles sont traversées par plusieurs cours d’eau, dont l’un est le Yainway, qui prend sa source dans la partie la plus élevée des montagnes du Pégu. Avant de quitter la région montagneuse, le Yainway reçoit le Peng ; à environ 15 milles au-delà du confluent, il pénètre dans une plaine après s’être précipité à travers une large ouverture de rochers d’une hauteur de 100 pieds dans un bassin circulaire où se reforme la rivière. Cette chute n’est pas précisément un obstacle pour la navigation ou pour le flottage, car les villages birmans situés sur les hauteurs