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par la passion du bien public ; mais c’est aussi l’ouvrage d’un homme qui aime l’armée française, qui semble s’en être assimilé le génie, et qui en connaît à fond le tempérament, les conditions nécessaires et la valeur. Nous, ne parlons point du mérite littéraire de l’œuvre, de cette forme d’essais simple, familière, d’où s’échappent par momens les accens d’une émotion virile et d’une mâle éloquence. L’enseignement le plus utile qui sortira de cet écrit est sans doute l’indication des réformes qu’il faudrait opérer dans notre armée, lors même qu’il n’y aurait point lieu de l’accroître par un nouveau système de recrutement. L’auteur pense et raisonne avec les idées positives de l’esprit moderne ; s’il connaît et définit avec une complaisance attendrie les qualités des soldats français, il regarde attentivement aux lacunes de notre système militaire, aux causes d’affaiblissement qu’on y a laissé s’introduire, et il n’hésite point à chercher dans l’étude des institutions militaires comparées des autres peuples les exemples et les perfectionnemens qui nous doivent profiter. A vrai dire, la préoccupation dominante de l’auteur de l’Armée française en 1867 est bien plus d’appeler l’attention sur les erreurs de système ou les négligences qui laisseraient s’altérer les qualités natives de nos troupes que d’exposer les conditions d’un système de recrutement. Les questions abordées là ne pourraient être négligées dans les prochaines discussions. Il faut affranchir avant tout notre armée des inconvéniens des vieux règlemens surannés et des routines abandonnées par les armées étrangères que dirige un esprit scientifique et positif. On ne peut manquer d’examiner à la chambre la nature d’influence que les corps d’élite démesurément nombreux exercent sur l’armée et de calculer le surcroît des charges qu’impose au trésor l’entretien d’une garde impériale. On ne saurait éluder la question de la dotation et voir si l’on veut laisser subsister un état de choses qui affaiblit réellement l’armée en y entretenant un trop grand nombre de vieux soldats, en obstruant les cadres des sous-officiers, en mêlant des préoccupations d’intérêt matériel à l’accomplissement du devoir militaire. Avant de songer à augmenter le nombre de nos soldats, il eût été logique de donner aux ressources de guerre de la France la préparation la plus complète, de rendre à notre armée actuelle toute l’homogénéité, la jeunesse et l’ardeur désintéressée qui lui avaient si longtemps assuré la prépondérance dans les combats. Quant au recrutement, il est visible que l’éminent auteur de l’Armée française en 1867 préférerait un système analogue à celui de la Prusse. Il considère comme le plus équitable le système qui étend l’obligation du service militaire personnel à tous les jeunes gens valides qui n’ont pas de motifs légaux d’exemption, obligation compensée par une réduction notable de la durée du service. « Avec le temps, dit-il, quand il est entré profondément dans les mœurs publiques, ce système est le meilleur. » Il crée une armée où le sentiment du devoir est ferme, et dont le caractère est complètement national. Le vaillant écrivain est persuadé que ces principes, si la France avait le temps de les