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l’on parle à des enfans, il ne faut pas dire que le gouvernement français a pu ignorer ni les apprêts ni la conclusion de cet arrangement, qui menaçait le continent européen d’une guerre immédiate, car le traité avait une échéance très courte ; il n’était valable que pour trois mois. Il ne faut pas dire non plus à des gens sérieux qu’il n’était point permis au gouvernement français de faire violence à l’indépendance de l’Italie et de détourner ce pays de l’alliance de la Prusse. L’invraisemblance et l’impossibilité sont au contraire que la cour de Florence ait pris la résolution si grave de s’allier à la Prusse en vue d’une guerre immédiate sans consulter avec la déférence la plus amicale le gouvernement français. Et quand même la cour de Florence eût été animée de la passion la plus vive par la tentation que lui offrait la Prusse, si une alliance pareille et la guerre dont elle menaçait l’Europe eussent paru au gouvernement français inopportunes et contraires à la sécurité et aux intérêts de notre pays, à qui fera-t-on croire que nous eussions méconnu et offensé l’indépendance de l’Italie en conseillant à nos alliés par les représentations les plus amicales de modérer leur impatience et d’attendre des occasions mieux appropriées aux convenances françaises ?

D’aussi justes condescendances, au lieu de coûter des sacrifices à l’indépendance des peuples, ne sont-elles point au contraire l’effet le plus naturel et la condition la plus légitime des alliances honnêtes et sensées ? Non, qu’on en soit sûr, l’Italie n’a point manqué à ses devoirs d’allié envers nous, et ne nous a caché ni le projet ni la conclusion de son association prussienne ; la France n’eût point manqué non plus au respect de l’indépendance italienne en dissuadant un gouvernement ami d’une entreprise qu’elle aurait jugée inopportune ou périlleuse. Il n’y a qu’à parler de ces choses-là avec simplicité pour en faire toucher du doigt la vraie nature. La guerre a donc été voulue, comme nous le disions il y a un an, quand nous ignorions encore l’origine et les conséquences de cette crise. On trouvait alors le mot hardi ; l’événement ne l’a que trop sévèrement confirmé.

Dans ce moment critique où se serrait le nœud du drame, quelles étaient les pensées et les sentimens qui animaient en France l’opinion publique ? On ne saurait les oublier, car le souvenir en restera comme une démonstration de la sagacité et de l’honnêteté de l’opinion française. On était convaincu que la France avait le pouvoir d’empêcher une guerre arbitraire et cruelle. On plaçait son espoir et son orgueil, non dans une paix égoïste, dans une paix odieuse, comme l’a si bien dit M. Thiers, qui tiendrait la France ; spectatrice inerte et volontairement impuissante à l’écart de la lutte, mais dans une paix générale conservée par l’autorité morale de notre pays. Imposer la paix, c’était la seule gloire que recherchât l’opinion publique, et cette ambition humaine et désintéressée, la France se croyait assez forte pour pouvoir la satisfaire. Si là où était la direction de la politique on eût compris cette droiture et cette probité du sentiment