Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 68.djvu/681

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

malcules, l’adresse avec laquelle ils franchissent ou contournent un obstacle, l’obstination presque passionnée qu’ils mettent à répéter un premier essai infructueux, sont autant de raisons qui militent en faveur de la vie réelle dont ils paraissent momentanément animés. Le naturaliste F. Cohn les a vus, après douze heures d’efforts incroyables faits pour s’échapper de leur cellule-mère, s’agiter encore tumultueusement dans leur prison, dont une mince pellicule fermait l’ouverture, puis enfin mourir de lassitude et se transformer en petites vésicules jaunâtres.

D’un bout à l’autre du champ de vision du microscope, on les voit se mouvoir avec une singulière complexité d’allures, tourner sur eux-mêmes, s’élancer, puis revenir, se heurter les uns les autres, entremêler parfois leurs cils natatoires et s’agiter alors avec une visible impatience, cherchant à se dégager au plus vite. Cette impatience du reste n’a rien qui puisse étonner, quand on a quelque notion de leur caractère, s’il est permis de s’exprimer de la sorte. Zoospores et anthérozoïdes sont tenaces et d’humeur violente, comme les volvox, comme les vibrions nerveux et généralement tous les infusoires leurs frères.

Le rôle des anthérozoïdes dans l’acte de reproduction des cryptogames est aujourd’hui hors de toute contestation. Ils sont les organes fécondateurs, et l’œuvre de vie qu’ils accomplissent est sans aucun doute en connexion intime avec les mouvemens caractéristiques dont ils sont doués[1].

Ce mince filament qui constitue le plus élémentaire des végétaux et dont nous avons vu s’échapper une spore, cette spore qui s’entoure d’une couronne de cils, nage, folâtre dans l’eau, suivant l’expression de l’un de ses historiens, puis, fatiguée, s’arrête, déchoit, perd sa couronne désormais inutile, et se met à germer : c’est là l’histoire de l’algue. Telle qu’elle est, simple et grande, elle résume les plus obscurs problèmes de la biologie. Origines communes, règnes confondus, unité de la vie universelle, tout cela s’y trouve contenu, et les évolutions de la dernière des fucacées qui, partie d’une plante, revient à la plante après l’essai d’une existence supérieure, constituent à coup sûr l’un des plus beaux chapitres de la physiologie végétale.

  1. C’est en 1793 que Girod-Chantrans signala pour la première fois, et sans y rien comprendre, une sorte de mouvement spontané dans la matière granuleuse de certaines algues. En 1817, Bory de Saint-Vincent découvrit d’une manière certaine la faculté locomotile de ces granulations. Ses observations furent confirmées par Gaillon à Paris et par Agardh à Stockholm. Les études plus récentes de MM. Derbès et Soliers surtout de MM. Thuret, Pringsheim, Unger, Tulasne, etc., ont jeté le plus grand jour sur ce remarquable chapitre de la physiologie végétale (Moquin-Tandon).