Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 68.djvu/64

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la bataille de Sadowa. Pour assurer la « défense de la France, » objet de ce travail, l’auteur comptait avant tout sur l’armée que nous avaient donnée les lois de Saint-Cyr perfectionnées en 1832, armée vaillante, unie, leste, désintéressée, sobre, intelligente, nationale, éprouvée par des guerres qui avaient exercé sur la composition de l’état-major général et des cadres, comme sur le tempérament de nos régimens, la plus heureuse influence ; mais il fallait pouvoir, dans une grande lutte, donner a nos troupes de ligne toute liberté d’action, les assister au besoin. Pour ce cas suprême, la France avait, elle aussi, une institution qui lui était particulière et rappelait de glorieux souvenirs : la garde nationale mobile. La loi du 22 mars 1831 prévoyait la création des « corps détachés de la garde nationale. » Tous les citoyens âgés de vingt à trente ans pouvaient être appelés à ce service dans l’ordre de leur âge et d’une série de catégories qui comprenaient successivement les célibataires, les veufs sans enfans, les mariés sans enfans, les veufs avec enfans, les mariés avec enfans. Les corps détachés n’étaient appelés qu’en vertu d’une loi ou d’une ordonnance royale convertie en loi à la plus prochaine session ; la durée de leur service était fixée à un an ; ils n’étaient pas spécialement retenus en-deçà des frontières. Tous ceux qui en feraient partie devaient être assimilés aux soldats de ligne pour la solde, les prestations et la discipline. Les grades de sous-officiers, sous-lieutenans et lieutenans étaient donnés à l’élection, tous les autres remis au choix du roi, qui pouvait y nommer soit des militaires en activité ou en retraite, soit des gardes nationaux. On comprend toutes les facultés que donnait cette loi pour la formation régulière de bataillons de volontaires, pour assurer la garde des côtes et des places, protéger les flancs et les derrières de l’armée active, la soutenir enfin dans ses revers, si la fortune nous était infidèle ; mais la rédaction des articles se ressentait de la précipitation avec laquelle ils avaient été coordonnés et votés sous la pression de circonstances urgentes. Il faut tenir compte aussi d’une tendance commune alors aux deux chambres ; plusieurs pairs et députés se rappelaient les débuts de la révolution ; beaucoup avaient assisté à la chute de l’empire, tous voulaient prévenir le retour de l’erreur qui en 92 avait fait placer en première ligne les gardes nationaux mêlés aux soldats, ou prémunir la nation contre les périlleux entraînemens de la politique de Napoléon. De là une certaine préoccupation « de ne pas mettre une seconde conscription à la disposition du gouvernement ; » de là une série de précautions qui auraient ralenti la formation des corps détachés au cas d’un pressant appel, ou amené leur dissolution dans un moment peut-être inopportun. On peut faire une meilleure loi ; telle qu’elle était, elle établissait nettement l’obligation imposée aux