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nimal est d’autant plus avantageux que ce dernier est plus léger ou moins gros. Cette loi, assurément très curieuse et très importante pour l’économie de la nature, n’était encore appuyée que sur un nombre assez restreint d’observations. M. Plateau a jugé nécessaire de reprendre cette partie de son travail en opérant, pour chaque espèce, sur une douzaine d’individus, afin d’obtenir des résultats moyens plus rapprochés de la vérité. La loi qu’il a découverte a résisté à cette épreuve : elle ressort évidente et incontestable de ces nouvelles expériences. Citons un exemple. Le bourdon terrestre est quatre fois plus lourd que l’abeille; il pèse près de à décigrammes, l’abeille ne pèse pas même 1 décigramme. Or le bourdon ne peut traîner en moyenne qu’un poids quinze fois plus grand que le sien (environ 6 grammes], tandis que l’abeille déplace facilement vingt-trois ou vingt-quatre fois son poids (2 grammes). Elle est donc plus forte de moitié que son lourd congénère. En volant, elle enlève de même un poids de peu inférieur au sien, tandis que le bourdon ne peut transporter de cette manière qu’à peine la moitié de son propre poids.

La loi en question paraît d’ailleurs s’appliquer non-seulement aux espèces qui appartiennent à la même sous-division entomologique, mais encore, dans une certaine mesure, à la classe entière des insectes. Il est vrai que, si on range les espèces examinées par ordre croissant de poids, les rapports correspondans qui expriment leur force relative ne font pas toujours série, et qu’au lieu de décroître d’une manière régulière ils présentent de nombreux écarts; mais cela s’explique par la différence de structure des genres ainsi rapprochés. La loi reparaît si l’on partage ces espèces en trois groupes, comprenant respectivement les insectes les plus légers, ceux d’un poids moyen et ceux qui sont les plus lourds (pesant de 1 à 2 décigrammes.) Dans ce cas, la force relative est représentée, pour le premier groupe par 26, pour le deuxième par 19, et pour le dernier par 9 seulement. Il s’agit ici de la puissance de traction; si l’on considère le vol, on peut partager les espèces examinées en deux groupes, dont le premier, comprenant les insectes les plus légers, surpasse encore de beaucoup en force le second, qui renferme les plus lourds. Le rapport du poids soulevé au poids de l’animal est pour les premiers égal à 1 1/3; pour les derniers, il n’est que 1/2.

Les insectes les plus forts, parmi ceux que M. Plateau a étudiés, paraissent être les donacies, les criocères, les trichies à bandes, qui vivent sur les lis et les roses. Ces petits êtres sont en état de traîner des poids environ quarante fois supérieurs au leur; plus d’une fois même M. Plateau les a vus dépasser cette limite; une criocère, l’athlète de la tribu, a traîné soixante-sept fois son poids; un petit hanneton du genre anomale a exécuté le même tour de force. M. de Lucy rapporte un fait encore plus surprenant un cerf-volant (lucane) peut maintenir entre ses mandibules, en élevant et abaissant alternativement la tête et le corselet, une règle de 30 centimètres de long, pesant 400 grammes; il ne pèse lui-même que 2 grammes. Que