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patriote, et le patriotisme le mènera au libéralisme, car il ne peut méconnaître les tendances libérales du génie allemand et la force que son pays puisera dans des institutions rationnelles. Aussi l’homme d’état de l’union allemande apporte-t-il dans les débats du parlement fédéral la décision habituelle de son caractère et une rafraîchissante verdeur de langage. Il parle de mettre l’Allemagne en selle, et il est sûr qu’elle marchera droit. On ne trouve point la même rondeur de parole et d’allures, la même assurance de conduite, parmi ceux qui travaillent à la réparation des affaires autrichiennes. Voilà les Hongrois satisfaits, mais les Slaves ne le sont point, et il y a vingt millions de Slaves en Autriche. Les Slaves envient l’indépendance politique qui a été accordée aux Hongrois. Ils craignent de se voir voués, par le système du dualisme, à la pression étouffante d’une bureaucratie abhorrée. Nous ne pensons point que le gouvernement autrichien mérite le blâme pour s’être rallié avant tout la Hongrie. Le royaume de Hongrie est une des parties les plus vivaces de la puissance autrichienne, et il était sage d’y prendre sa première base ; mais l’élément slave, qui présente en diverses parties de l’empire des degrés différens de civilisation, a droit aussi, dans ses groupes les plus populeux et les plus avancés, à de grands ménagemens de la part de la cour de Vienne ; il y faut exciter et non éteindre les forces d’esprit fédéral, les seules dans lesquelles l’Autriche pourra trouver son salut. Les diètes locales, dont les adresses avaient exprimé les aspirations de l’esprit fédéraliste, ont été dissoutes. La diète galicienne a seule échappé à cette crise. Son adresse était rédigée ; elle protestait, elle aussi, contre la politique qui la confondait avec les provinces cisleithanes dans un groupe factice soumis à une centralisation bureaucratique. Elle s’est abstenue de voter cette adresse dans la crainte de provoquer la démission du gouverneur de la Galicie, M. Goluchowski, que son patriotisme polonais rend cher à ses compatriotes. Trente membres de la diète avaient réclamé inutilement le vote de l’adresse qui exprimait les griefs du royaume. C’est justement ces membres, parmi lesquels on voit les noms les plus considérés, — des Czartoryski, des Potocki, des Tarnowski, des Wolicki, — que la diète a choisis pour la représentation de la Galicie au reichsrath. Cette façon de substituer à la protestation écrite une protestation vivante est un curieux signe des embarras avec lesquels le gouvernement autrichien est aux prises. Toutefois les nationalités courent dans cet empire les mêmes périls que le gouvernement : l’expérience de la Hongrie leur sera certainement profitable ; quand cette expérience sera en voie de succès, la cour de Vienne fera bien de la tenter en Galicie, en Bohême, et de chercher dans la satisfaction de tous ses peuples la régénération de ses forces.

L’heure actuelle est aussi très importante pour l’Italie. La crise électorale s’achève dans le nouveau royaume italien. La tendance du mouvement électoral, malgré l’incertitude apparente que les ballottages laissent flotter