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et le bon sens interdisent à la France une politique extérieure entreprenante et aventureuse; c’est un devoir pour elle de se fortifier non-seulement par une complète organisation militaire, mais en prenant un ascendant plus marqué sur les combinaisons de son pouvoir exécutif, et en s’appliquant à rendre ses institutions représentatives chaque jour plus sincères. Ce sont surtout des enseignemens et des avertissemens pour notre politique intérieure qui ressortent aujourd’hui de l’examen des affaires étrangères. Faisons des vœux pour qu’aucun incident ne vienne nous solliciter à, sortir de ce laborieux et utile recueillement et nous entraîner dans les confusions d’une nouvelle mêlée européenne.

Malheureusement, même en résistant à ces habitudes d’appréhensions récemment contractées et qui grossissent toutes les difficultés produites par le courant des affaires, on ne peut fermer les yeux sur le caractère d’instabilité et de fragilité qui marque la situation présente du continent. Les plus petits incidens excitent des préoccupations et sont amplifiés par une crédulité qui n’a plus le sens des proportions véritables des choses. Un jour, sur le langage d’une portion de la presse allemande, à propos de paroles attribuées à M. de Bismark, on s’imagine déjà voir la Prusse prête à absorber la Hollande; une autre fois, et avec plus de continuité, c’est en Orient qu’on cherche les symptômes d’une perturbation universelle, de chocs d’ambitions et de fantasques évolutions d’alliances. Au fond de tout cela, il y a quelque chose sans doute; mais ce ne sont point les énormités que les imaginations se représentent. Du côté de la Hollande par exemple, nous ne voyons qu’une petite difficulté, celle du Luxembourg. Encore cette difficulté regarde-t-elle exclusivement le roi et non, à proprement parler, la Hollande. Le Luxembourg n’est uni par aucun lien à la vie nationale des Hollandais. Il appartient au roi, il faisait partie de l’ancienne confédération germanique, et il possède une ancienne forteresse fédérale, Luxembourg, occupée encore aujourd’hui par une garnison prussienne. Le Luxembourg ne saurait être incorporé à la confédération de l’Allemagne du nord; le roi de Hollande, après la rupture de l’ancienne confédération, en reprend de droit l’entière et exclusive possession, et les troupes prussiennes, ayant cessé d’avoir le caractère d’une force fédérale, n’ont plus de titres à prolonger leur séjour dans la capitale de cette petite principauté. Au point de vue du territoire et de la population, cette province n’a pas une grande importance; elle n’a pas plus de deux cent mille habitans. Le voisinage et les souvenirs la rendent intéressante pour la France bien plus que sa position stratégique. Cependant elle nous a appartenu autrefois, c’est Vauban qui a construit la place de Luxembourg; ce grand homme y tenait comme à un de ses meilleurs ouvrages, et il se montra désespéré quand Louis XIV la céda par traité. La France a donc à dire, elle aussi, un petit mot dans les arrangemens auxquels doit donner lieu la nouvelle position du Luxembourg. La chose est bien mince, et la cour de Berlin est trop inté-