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parmi les initiateurs d’un ordre de connaissances d’où est née toute une civilisation, nous apparaît facilement comme un apôtre, et son abjuration nous semble tenir du blasphème. C’est bien le sentiment que lui prête M. Ponsard lorsqu’il le fait s’écrier :

Science, amour du vrai, flamme pure et sacrée.
Sublime passion par Dieu même inspirée,
Contre tous les périls arme-moi, soutiens-moi;
Élève ma conscience au niveau de ma foi !
Et puisse le bûcher expier mon génie
Avant que ton amant, Vérité, te renie!

Prenons-y garde cependant. Cette ardente curiosité de la nature, cet amour d’une vérité dégagée de tous les voiles mystiques, cet attachement sans réserve de l’intelligence à des dogmes qui sont sa propre conquête, cette religion de la science enfin, sont des sentimens tout, nouveaux. Il a fallu, pour leur donner naissance, que l’empire des religions anciennes s’affaiblît en même temps que la lumière envahissait l’un après l’autre tous les cantons de l’univers, et que la science se signalât par ses bienfaits comme l’irrésistible rénovatrice de la pensée et des choses humaines. Encore, à dissimuler lâchement une découverte, à méconnaître de gaîté de cœur une loi certaine de la nature, à renier une vérité démontrée, y aurait-il plus de folie peut-être que d’impiété. C’est un malheur auquel, Dieu merci, les savans ne sont plus guère exposés de nos jours; l’inquisition a soin de rendre ses arrêts contre la science en des termes qui ne la compromettent pas; l’orthodoxie se contente de faire une guerre sans péril à la curiosité profane: tout au plus suscite-t-elle par intervalle une science bâtarde et suspecte pour contester des théories embarrassantes et pour mettre à l’aide de falsifications furtives les faits qu’elle ne peut contester en harmonie avec le système croulant de ses idées. Nier une expérience ou une découverte, elle ne s’en avise plus; si elle y songeait, le bon sens universel l’avertirait qu’elle s’égare, et elle ne trouverait pas, même parmi ses adeptes, une conscience de savant qui se laissât séduire ou intimider. Au temps de Galilée, il n’y a encore de vérité sainte que celle du sanctuaire, il n’est qu’un ordre de croyances auxquelles on ne puisse renoncer sans apostasie, et ce ne sont pas les croyances scientifiques. La résistance prolongée du savant florentin aux sollicitations dont on l’assiège, la mauvaise grâce avec laquelle il se résigne à l’abjuration, les larmes et la secrète protestation qu’elle lui arrache prouvent à sa gloire qu’il avait une âme éprise du vrai et capable de le confesser jusqu’au sacrifice, s’il avait vécu dans un autre temps. Il est permis de croire pourtant que sa conscience ne lui reprocha point cette abjuration comme un crime, et ce que sa conscience lui [lardonna, on ne voit pas que celle de ses contemporains l’ait condamné; à une époque où les dogmes du moyen âge trouvaient