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avec les Indes par la Turquie d’Asie et le câble du golfe Persique, avec l’Amérique par le câble de l’Océan, et cependant il reste beaucoup à faire à la France ; il faut qu’elle se mette en communication avec elle-même ; il faut que chaque ville, chaque village, chaque bourgade ait son poste, et jouisse du bienfait des correspondances électriques. Cela est de toute nécessité ; une nation qui paie régulièrement l’impôt a droit à toutes les facilités possibles de communication. La direction-générale est prête à établir le réseau cantonal, mais il faut qu’elle soit aidée par le pays lui-même, c’est-à-dire par les intéressés. Là, elle aura de grands obstacles à surmonter ; la France a si longtemps vécu sous le gouvernement du bon plaisir, on a pendant de si longues et douloureuses années refoulé brutalement en elle toute initiative particulière, qu’elle a pris et conservé l’habitude de tendre toujours la main vers le gouvernement et de ne savoir rien faire par elle-même. La vie communale n’existe réellement pas chez nous, et l’administration des télégraphes aura, je le crains, à s’en apercevoir. On demande à la commune de fournir le local et de payer la moitié de la dépense de l’établissement de sa ligne spéciale[1] ; en échange, on lui fournit les appareils, on lui donne une indemnité de 25 centimes par dépêche, et on la fait entrer dans cette grande circulation électrique qui est une des gloires de notre époque. Il y en a qui ont refusé, ne serait-ce que Chatou, qui, par ce fait, se trouve actuellement privé de télégraphe électrique. Ceci n’aura qu’un temps. Les efforts de l’administration sont incessans, ils triompheront de toutes les difficultés. Quand avec un simple et même fil métallique on remue magiquement à distance tous les signes du langage ; quand on imprime ou qu’on écrit à volonté ; quand de Paris à Marseille on envoie instantanément une dépêche pour 2 francs, on doit arriver à convaincre les récalcitrans, à ramener les populations ignorantes, et à faire comprendre la nécessité d’un léger sacrifice en échange duquel on offre d’incalculables avantages.


MAXIME DU CAMP.

  1. 565 francs en moyenne, par kilomètre.