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plus pour eux. Quand les éclairs ouvrent le ciel, lorsque les nuages s’amoncellent en grondant, lorsque l’on entend les profondes rumeurs des colères aériennes, soyez persuadés que l’extrémité des fils est rentrée en terre, que les dépêches s’arrêtent en chemin, et que le télégraphe ne fonctionne pas.


V.

Ainsi qu’on a pu le voir par ce qui précède, la télégraphie n’est pas encore tout à fait passée dans nos usages, elle reste un genre de correspondance de luxe. Malgré les très sérieux services qu’elle rend tous les jours au public, il n’est pas encore familiarisé avec elle, et le temps n’est pas venu où la dépêche sera aussi fréquente que la lettre. Pendant que l’hôtel des postes manipule journellement à Paris 776,975 objets (283,595,921 en 1865)[1], le bureau central télégraphique n’a qu’un maniement de 10,089 dépêches. Bien des personnes hésitent à expédier un télégramme dans la crainte de causer une première émotion pénible au destinataire. Il y a là une éducation à faire ; elle se poursuit progressivement, mais elle est loin d’être complète. Ce sont les négocians, les banquiers, les agens de change, qui usent le plus volontiers de ce moyen rapide. Dans une statistique très bien faite et que j’ai déjà citée, M. Edouard Policier a prouvé qu’en 1858 15,409 dépêches échangées entre Paris et les trente premières villes de France se divisaient ainsi : intérêts de famille, 3,012; journaux, 523; commerce et industrie, 6,132; affaires de bourse, 5,253; affaires diverses, 399. Le nombre des dépêches a singulièrement augmenté depuis cette époque, mais la proportion n’a point varié. Le haut prix que coûtent les dépêches pour quelques pays est certainement un obstacle à une correspondance plus fréquente : ainsi la moyenne des télégrammes envoyés mensuellement de Paris en Amérique par le câble est de 36[2].

Quant au tarif des dépêches de la France pour la France et de Paris pour Paris, il devra être abaissé; mais cela ne pourra se faire que lentement, au fur et à mesure que de nouveaux employés auront été formés, et que de nouvelles lignes seront construites. On compare volontiers le service de la télégraphie à celui de la poste, on cherche à prouver que la diminution des taxes serait aussi favorable à l’une qu’à l’autre; c’est, je crois, une erreur. Peu importe qu’un facteur ait dans sa boîte vingt lettres ou cent lettres;

  1. Voyez la Revue du 1er janvier 1866.
  2. La dépêche simple coûte aujourd’hui 256 fr. 25 cent.