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une préoccupation constantes; alors il serait irréprochable. Il coûte plus cher que l’appareil Morse[1]; mais, comme il use infiniment moins de papier (50 centimètres par dépêche simple), il paie par ce seul fait la différence en deux années. Il imprime lui-même, il n’exige donc aucune traduction, aucune écriture; entre les mains d’un employé très habile, il peut transmettre cinquante-cinq dépêches par heure. On m’a cité un agent qui parvenait à en expédier soixante-quatre; mais celui-là est une exception. M. Hughes est arrivé à faire exécuter de l’autographie par son appareil : au moyen de l’addition d’un simple cylindre, son télégraphe imprime ou reproduit l’écriture à volonté. Je n’ai pu me rendre compte de cette curieuse modification; l’appareil spécimen qui l’a subie est maintenant à Vienne, où M. Hughes l’expérimente pour le faire adopter.

Dans les salles du bureau central, un poste de mécaniciens se tient à demeure, afin d’obvier immédiatement aux petites avaries qui peuvent inopinément arrêter le fonctionnement des appareils; le mécanisme Hughes est surtout fort délicat, et ses organes ont besoin de réparations fréquentes. En cas d’accident grave, l’appareil est remplacé sans délai; il y en a toujours un certain nombre en réserve à la disposition des employés.

En descendant du bureau central, je suis passé devant une porte mystérieuse : le public n’entre pas ici. Cette porte donne accès au cabinet. C’est là que viennent les dépêches qui ne sont point faites pour les petites gens comme vous et moi, ainsi que disait le père André ; les spéculateurs à la Bourse donneraient beaucoup pour pénétrer dans ces arcanes, où arrivent les grosses nouvelles : mort d’empereurs et de rois, révolutions, abdications, traités de paix, déclarations de guerre, attentats, mariages de souverains, naissances princières. Les combinaisons où se joue le sort du monde se pressent là, tout élaborées, après avoir voyagé à travers l’étendue entre une commande de trois-six et une opération véreuse à quatre d’écart dont deux.

Au rez-de-chaussée, une petite salle contient quatre pantélégraphes Caselli. On les a inaugurés à la direction-générale le 5 février 1865. Chacun sait que cet appareil, qui est électro-chimique, reproduit en fac-simile tout ce qu’on peut tracer sur un papier : un portrait dessiné à la plume, soumis à l’influence de l’appareil de Lyon, sera pour ainsi dire photographié par l’appareil de Paris. Le résultat est si étrange qu’on peut à peine le concevoir; il est cependant obtenu par un procédé extrêmement simple. A la station

  1. L’appareil Morse aujourd’hui coûte 300 francs, l’appareil Hughes 1,300 francs.