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Brest), le poste de l’église des Petits-Pères (ligne de Lille), le poste nord de Saint-Sulpice (ligne de Strasbourg), le poste sud (lignes de Lyon et d’Italie). Par les circonstances atmosphériques les plus favorables, les dépêches parvenaient de Paris à Marseille en une heure et un quart; mais bien souvent l’état du temps était tel que les administrateurs avaient avantage, pour désencombrer leurs bureaux et obvier aux difficultés de transmission, à expédier leurs dépêches par la poste ou par des courriers spéciaux. Grâce à la télégraphie électrique, de pareilles nécessités ne sont plus à craindre aujourd’hui[1].


III.

Un simple rapprochement montrera quelle révolution l’électricité allait apporter dans la transmission des dépêches. La nouvelle de la mort de Paul Ier (12 mars 1801) mit vingt et un jours à parvenir à Londres, la mort de Nicolas (2 mars 1855) y fut connue en quatre heures un quart; mais cette révolution ne s’accomplit pas d’un seul coup, et il fallut bien du temps avant que la mécanique pût appliquer les principes nouveaux que la science avait découverts.

Nous avons dit que les premières recherches de Claude Chappe, lorsqu’il songeait à l’invention du télégraphe, avaient été dirigées vers l’électricité : ses efforts n’aboutirent à rien, mais il n’en est pas moins certain que plusieurs essais de télégraphie électrique ont été faits au siècle dernier; aucun d’eux n’a réussi et ne pouvait réussir; quelques-uns cependant, expérimentés à de très courtes distances, sont restés comme des procédés de physique amusante. Diderot, dans ses lettres à Mlle Voland, parle d’un prestidigitateur appelé Comus, mais dont le vrai nom était Ledru, qui établissait une correspondance d’une chambre à une autre « sans le secours sensible d’un agent intermédiaire. » Il est fort probable que l’électricité jouait un grand rôle dans ce tour d’adresse[2]. En

  1. Au moment de la suppression, les télégraphes aériens avaient un budget de 1,130,000 francs; ils expédiaient en moyenne 6,570 dépêches par an; c’étaient donc 180 dépêches par jour et 172 francs par dépêche.
  2. On lit dans le Moniteur du 10 ventôse an V (28 février 1797) : « De Madrid, 1er février. — Le docteur don François Salva avait lu à l’Académie royale de Barcelone un mémoire sur l’application de l’électricité à la mécanique. Ce savant vient de mettre en pratique sa théorie ingénieuse. Son télégraphe électrique a été examiné par le prince de la Paix, qui a été entièrement satisfait de sa simplicité et de l’effet rapide de cette machine. Ce télégraphe de nouvelle invention a été transporté dans les appartemens de l’infant don Antoine, qui se propose d’en faire construire un autre dont les dimensions, animées par la plus grande force électrique possible, aident à correspondre à de grandes distances, tant sur terre que sur mer. On prépare à cet effet une immense machine électrique. Les expériences seront dirigées par le docteur Salva. »