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en Californie, où il mourut des suites de ses fatigues. Il avait légué à son neveu son goût pour les sciences et son aptitude au travail, car Claude Chappe fut un travailleur ardent et infatigable. Cependant l’idée première de sa découverte, qui eut une si grande importance à la fin du siècle dernier, est plutôt due au hasard, à une malice d’enfant, qu’à une volonté préconçue et nettement dirigée vers un seul point fixé à l’avance. Claude Chappe, destiné à l’état ecclésiastique, avait été mis dans un séminaire distant de trois quarts de lieue environ du pensionnat où ses frères faisaient leurs études. Ces enfans cherchèrent un moyen de communiquer entre eux malgré la distance, et Claude imagina d’appliquer des règles plates et noires sur la surface blanche des murailles du séminaire. A l’aide d’une lorgnette, ses frères pouvaient voir facilement les différentes positions qu’il faisait prendre à ses règles et lire ainsi des phrases dont le vocabulaire avait été convenu entre eux. Telle fut l’origine singulière de l’appareil et du système de signaux qui devaient former plus tard le télégraphe et le langage télégraphique.

Ce n’était, comme on le voit, qu’un jeu d’enfans cherchant à éluder la discipline d’une maison d’éducation; il est probable qu’il ne laissa pas grande trace dans l’esprit de Claude Chappe, qui était devenu abbé et devait, ainsi que tant d’autres, se défroquer pendant la révolution. Ce ne fut en effet que vers 1790 qu’il conçut le plan d’un système complet de correspondance par signaux. On dirait que du premier coup il eut une vision de l’avenir, car il dirigea ses recherches vers l’électricité, dont la force inconnue et les propriétés à peine soupçonnées préoccupaient tous les esprits sérieux de l’époque. Il renonça promptement à ses essais, qui n’aboutirent à aucun résultat satisfaisant. Il chercha alors, en combinant des objets de couleurs différentes, à obtenir des signaux visibles et distincts; mais il s’aperçut qu’il fallait multiplier les stations sur un espace relativement restreint, les nuances les plus variées devenant uniformément blanches au soleil et noires à l’ombre dès que la distance était notablement augmentée. Il eut recours au son et employa des casseroles, sur lesquelles on frappait, pour faire parvenir à une distance de 400 mètres des phrases convenues. Toutes ces tentatives furent infructueuses, et peut-être Claude Chappe allait renoncer à son projet, lorsqu’il se souvint des règles qu’il avait utilisées dans son enfance pour correspondre avec ses frères. Cette fois il était sur la bonne voie et ne la quitta plus.

Le 2 mars 1791, il avait amené son appareil à un point de perfection assez avancé pour qu’il pût convoquer les officiers municipaux de Parcé, district de Sablé (Sarthe), et faire devant eux des expériences dont ils dressèrent procès-verbal. C’est là l’acte de