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à toutes les combinaisons de l’écriture paraît être dû à Robert Hooke. On sait que cet irascible bossu était une sorte d’homme universel : il inventait des systèmes d’horlogerie, démontrait le mouvement de la terre, étudiait les étoiles et faisait des projets d’amélioration pour les villes populeuses. Il se mit en tête de découvrir un moyen de correspondre de loin par signaux, et fit le plan d’une machine fort compliquée en forme de châssis, où des planches noires manœuvrées selon une certaine formule représentaient les lettres de l’alphabet. Le moyen n’était pas nouveau, il était renouvelé des Romains; Polybe indique en effet une combinaison de torches qui, cachées ou rendues visibles, figuraient un alphabet complet. La lenteur et les difficultés inhérentes au procédé de Robert Hooke le firent promptement abandonner. Cependant la Société royale de Londres s’en occupa, et écouta en 1684 un rapport sur la distance qui devait séparer les stations télégraphiques les unes des autres.

Guillaume Amontons est le premier Français qui se soit occupé de télégraphie, et son système, dont on ne peut parler que par induction, car rien n’en a subsisté, paraît avoir beaucoup de ressemblance avec celui que Chappe devait faire prévaloir plus tard. Des expériences furent exécutées dans le jardin du Luxembourg en présence du dauphin et de Mlle Choïn. Dans l’éloge d’Amontons, Fontenelle regarde l’invention de ce dernier comme un jeu d’esprit très ingénieux, et cependant il dit qu’avec ce procédé on pouvait envoyer une dépêche de Paris à Rome en trois ou quatre heures, sans que la nouvelle pût être soupçonnée dans les pays intermédiaires. « Le secret, dit l’aimable académicien, consistait à disposer dans plusieurs postes consécutifs des gens qui, par des lunettes de longue vue, ayant aperçu certains signaux du poste précédent, les transmettaient au suivant, et toujours ainsi de suite, et ces différens signaux étaient autant de lettres d’un alphabet dont on n’avait le chiffre qu’à Paris et à Rome. » L’indifférence du public, l’insouciance de l’auteur pour qui la découverte théorique était plus importante que l’application, mirent à néant ce projet, dont il n’était déjà plus question, lorsque Amontons mourut au mois d’octobre 1705.

Le passage suivant des mémoires de Bachaumont indiquera où en était encore la télégraphie pendant les premières années du règne de Louis XVI. « 10 novembre 1778. — On parle de signaux qu’on prépare pour qu’en trois heures la cour de Vienne soit instruite de l’accouchement de sa majesté. Ces signaux s’exécuteront par des coups de canon, si le vent le permet, ou l’on y suppléera par des feux allumés de distance en distance. »

Deux hommes connus pour tout autre chose que leur participa-