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matières premières fournies par le Cambodge et par les parties voisines du Laos, — le coton, la soie, le chanvre et certains produits métallurgiques. Autrefois, au temps de la prospérité du Cambodge, Namvang fut le centre d’un commerce important. Depuis lors, les Chinois établis à Cholen, près de Saigon, ont continué à en tirer les produits que, malgré sa misère, le Cambodge fournit encore, pour les répandre dans la Basse-Cochinchine et même dans le reste de l’Annam. On peut donc trouver dans le protectorat, sans recourir à la conquête, les moyens de parer à la plupart des inconvéniens précédemment signalés. La population cambodgienne, plus apathique que celle de l’Annam, est aussi plus aisément gouvernable. On n’a pas à s’occuper des difficultés de la lutte, ni du soin toujours pénible de substituer l’autorité étrangère à l’administration nationale. Toutefois les bénéfices ne sont pas réalisables immédiatement et sans efforts. Ce qui suffisait aux Chinois de Cholen, établis dans le voisinage, ne fournit pas un aliment satisfaisant à des opérations entamées au loin. La création d’un commerce de quelque importance à Namvang tient à l’extension de la production indigène, presque nulle aujourd’hui, et pour l’obtenir il faut que l’aspect du pays change complètement. Le détestable système d’administration en vigueur doit disparaître. La propriété du sol ne doit plus appartenir au souverain, ni les impôts arbitrairement fixés absorber tout le profit du travail. Il faut que le peuple reprenne l’habitude de la culture et que le nombre des habitans augmente pour produire et consommer davantage. L’Annam, après la conquête de la Basse-Cochinchine, quand il projetait l’annexion totale du Cambodge, y jetait plusieurs milliers de ses sujets, agriculteurs attirés par la fertilité du sol. Il serait désirable que cette émigration continuât, et que de préférence on attirât des émigrans malais, travailleurs dociles et moins accapareurs que les Chinois et les Annamites. Peut-être, si on adopte des mesures analogues à celles que les rois de Hué prirent autrefois dans la Basse- Cochinchine, si on laisse chaque nouveau colon, qu’il soit Européen ou Asiatique, libre de s’établir sur les terres incultes qu’il trouve à sa convenance sans autre obligation que celle de les cultiver, ne serait-il pas impossible d’obtenir quelque heureux résultat. Dans ces régions lointaines, l’intérêt est le seul moyen puissant de s’attacher les populations.

De pareils changemens ne peuvent être opérés par les gouvernemens indigènes. Ils exigent l’appui et l’ingérence constante de la France, qui, pour tirer un parti avantageux du traité de protectorat, devra non-seulement défendre le Cambodge contre les attaques du dehors et les révolutions, mais encore prendre la direction de ses