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pôt fut établie tant sur les propriétés que sur les personnes. Les Chinois se confondirent avec les Annamites. »

Ce travail d’assimilation, qui substituait aux coutumes locales une organisation étrangère, demanda du temps. En 1720 seulement, l’Annam se crut assez fort pour reprendre la série des annexions et aviser aux moyens de se rendre maître des embouchures du Mékong, et d’étendre définitivement sa domination sur tout le sud du bassin. Hatien, à l’extrémité ouest de la Basse-Cochinchine, sur le golfe de Siam, fut envahi. Une nouvelle colonie chinoise s’y établit dans les mêmes conditions qu’à Saïgon. Angiang et Vinluong subirent le même sort. Les six provinces formèrent la vice-royauté de Basse-Cochinchine, dont Saïgon devint la capitale. Toutefois la conquête totale de ce territoire jusqu’aux limites qu’il atteignait vers le nord au moment de l’expédition française ne s’acheva que sous le règne de Gya-Long, au commencement de ce siècle. Il faut lire dans l’historien annamite le mélange curieux de ruse et de violence qu’employa le gouvernement de Hué pour arracher chaque lambeau de province aux malheureux rois du Cambodge, menacés encore à l’ouest par les Siamois, et dont le territoire servait d’enjeu et de champ de bataille dans les querelles de ces deux voisins plus puissans.

La révolte des Tayson, les luttes que la dynastie des Nguyen, désireuse de se rendre complètement indépendante, eut à soutenir soit contre les populations rebelles et les ambitions rivales, soit contre les rois du Tonkin, qu’elle finit par déposséder, retardèrent la réorganisation de la Basse-Cochinchine. Néanmoins le royaume de Siam, déchiré aussi par des révolutions intérieures, ne put, malgré ses convoitises, profiter de cette période de faiblesse pour enlever à la domination annamite soit la suzeraineté du Cambodge, soit les territoires situés à l’ouest de la Basse-Cochinchine et que traverse le canal de Hatien. Malgré les révoltes, la guerre, l’anarchie et l’ébranlement de la monarchie annamite, les institutions de l’Annam eurent assez de force pour maintenir la Basse-Cochinchine dans l’obéissance. à faut croire pourtant que les espérances de l’ancienne population cambodgienne, très antipathique à la domination annamite, s’étaient ranimées, puisque nous voyons Trang nous parler de nouveaux efforts tentés en 1800 pour compléter la colonisation et l’organisation définitive de la vice-royauté. Comme la France se trouve aujourd’hui occupée d’un travail de tous points analogue, il n’est pas sans intérêt d’examiner les mesures auxquelles recourut alors le gouvernement annamite. « L’empereur donna ordre de lever les plans et de faire la carte des différentes provinces de la Basse-Cochinchine. Ce pays est coupé d’un grand