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et de point de ralliement aux forces navales de la colonie. Enfin à l’est un des affluens du Soirap, à l’ouest un canal dit arroyo de la Poste, relient Saigon à Bienhoa et à Mytho, et permettent une rapide concentration des forces militaires en même temps qu’ils établissent des relations faciles entre les centres importans de la colonie.

C’est au point de vue des relations commerciales avec les pays voisins que la situation se montre moins favorable. Le fleuve de Saigon et les autres cours d’eau qui sillonnent la colonie forment un admirable réseau de voies intérieures, ressource précieuse dont le défaut se fait si vivement sentir en Algérie; mais ces fleuves, de leur source à leur embouchure, ne dépassant pas la ligne de nos frontières, ne transportent que les produits fournis par la colonie ou destinés à sa consommation. Or, on l’a fait remarquer, le territoire trop peu étendu, le chiffre de la population trop minime, ne donnent pas les élémens d’un trafic suffisant pour attirer à une telle distance le commerce métropolitain; quant au Mékong, le seul grand fleuve qui mette Saigon en communication avec l’intérieur de l’Indo-Chine, il n’est pas d’une manière certaine à la disposition de la France, qui ne possède qu’une seule des embouchures du bras est, et se voit dominée au nord dans ce bras par la ville et la citadelle annamite de Vinluong. Le traité de 1862 réserve, il est vrai, la liberté de la navigation du Mékong et de ses affluens; mais, si l’on tient compte du peu de respect que les gouvernemens de l’extrême Orient professent en général pour les conditions de traités que le plus souvent ils n’ont pas acceptés de leur plein gré, on conviendra qu’en se renfermant dans les stipulations de 1862 le commerce français dans les pays voisins pourrait se trouver à la discrétion de l’Annam, surtout si ce royaume rencontre plus tard quelque protecteur étranger. C’est là une éventualité que l’état des relations politiques et commerciales entre les diverses puissances européennes ne rend pas encore absolument improbable.

Le partage de la Basse-Cochinchine, tel qu’il s’est opéré entre la France et l’Annam, présente encore d’autres inconvéniens. L’empire d’Annam n’oublie pas les pertes qu’il a subies, et ne se décide pas à renoncer au désir de les réparer. Ce sentiment est peut-être entretenu par la crainte qu’il éprouve de se voir un jour dépouillé du reste de la Cochinchine. Qu’il cherche à créer mille embarras aux envahisseurs, espérant les contraindre à abandonner une possession sans cesse troublée, rien de plus naturel, et la situation s’y prête. A l’est comme à l’ouest, les frontières françaises touchent celles de l’Annam. Les mandarins envoyés de Hué sur la rive droite du Mékong passent nécessairement sur notre territoire, et se mettent ainsi