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féodaux et toutes les translations des droits comme des territoires cédés. Le chevalier de Bryan, envoyé par le roi d’Angleterre, y était venu avec les obligations que les empereurs Maximilien et Charles-Quint avaient souscrites des sommes qui leur avaient été prêtées, ainsi qu’avec des joyaux et une riche fleur de lis en diamant laissés en gage aux mains de Henri VII et de Henri VIII. Lorsque toutes ces valeurs et toutes ces cessions eurent été minutieusement vérifiées par Louis de Praet et par Alvaro de Lugo, que l’empereur avait chargés de les recevoir, l’échange dut régulièrement s’en faire avec les fils de François Ier.

Le connétable de Castille et le grand-maître de France convinrent[1] que la délivrance du dauphin et du duc d’Orléans s’opérerait, comme avait été accomplie celle du roi leur père en 1526, sur un ponton placé au milieu de la Bidassoa, dont les deux bords seraient gardés par une troupe égale de soldats et dont l’embouchure serait surveillée par deux galions, l’un français, l’autre espagnol, afin qu’il ne pût y être apporté ni trouble ni fraude. Le 1er juillet, à la haute marée, deux caraques, sur lesquelles se trouvèrent d’un côté le grand-maître avec les 1,200,000 écus et les valeurs diverses, de l’autre le connétable avec le dauphin et le duc d’Orléans, conduites par le même nombre de rameurs, gardées par le même nombre de gentilshommes et de pages armés de la même manière, partirent au signal donné des deux bords opposés de la rivière, et arrivèrent ensemble au ponton, où elles furent amarrées. Montés, chacun avec sa suite, sur le ponton, le grand-maître et le connétable le traversèrent pour descendre, le premier dans la barque espagnole où étaient les princes, le second dans la barque française où étaient les 1,200,000 écus d’or et les titres des différentes cessions. Alors les deux barques se remirent en mouvement, et, contournant le ponton en sens inverse, se rendirent, celle du connétable avec les valeurs assurées sur la rive d’Espagne, celle du grand-maître avec les princes libres sur le territoire de France. La reine Éléonore, accompagnée de ses dames, traversa en même temps la Bidassoa et se mit avec le dauphin et le duc d’Orléans en marche pour Bordeaux, où le roi et toute sa cour étaient venus les attendre. François Ier et la duchesse d’Angoulême reçurent leurs chers enfans et petits-enfans au milieu des plus tendres effusions et dans des transports d’allégresse. La nouvelle reine, qui fit une entrée solennelle à Bordeaux, fut accueillie avec une courtoisie affectueuse par François Ier, et non sans espérance par la cour et le peuple, qui virent en elle un gage de paix entre le prince dont elle était la sœur et celui dont elle devenait la femme.

  1. Cette convention est en espagnol aux archives de Simancas, sér. D, lias. 4, no 32.