Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 68.djvu/42

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mettaient toute la population en surveillance, donnaient aux officiers-généraux des pouvoirs extraordinaires et des attributions de police. La plus importante était l’autorisation du u remplacement, » qui, toléré jadis dans la formation des milices, permis par la loi de la réquisition, était prohibé par les lois de la levée en masse et de l’an VI. La faculté de présenter un « suppléant » était accordés aux appelés « qui ne pourraient supporter les fatigues de la guerre ou qui seraient reconnus plus utiles à l’état en continuant leurs travaux ou leurs études qu’en faisant partie de l’armée. » C’est aux sous-préfets qu’était délégué le soin d’apprécier la vocation des jeunes gens et de décider s’ils seraient admis à se faire remplacer. Rien ne pouvait être plus arbitraire et plus favorable à la prévarication.

Quels que fussent le mérite absolu et la valeur morale de ces dispositions, il est certain qu’elles donnèrent à la conscription une efficacité qu’elle n’avait pas eue à son début. Certain de laisser derrière lui des dépôts bien garnis, le premier consul put mettre en mouvement l’armée de réserve, et quatre mois après le vote de la loi de l’an VIII il avait gagné la bataille de Marengo. Nous n’avons pas à raconter les détails de cette fameuse journée, ni à exposer l’admirable combinaison stratégique qui fut exécutée avec une précision si parfaite; nous rappellerons seulement que, si le courage déployé par les vainqueurs de Marengo leur mérite la reconnaissance de la patrie, les détails de l’action ne permettent pas de regarder cette armée comme égale en tous points à celles qui servaient la république depuis plusieurs années. Elle manquait un peu de cohésion, le nombre des très jeunes soldats était loin d’excéder une proportion raisonnable; mais une partie des cadres était d’organisation récente, et ils renfermaient trop d’hommes habitués à la vie des dépôts : un très long service de garnison n’augmente pas la valeur du soldat.

Les traités de Lunéville et d’Amiens avaient assuré à la France une glorieuse paix; par la fondation d’une quatrième dynastie, l’empereur, car on peut devancer un peu le sénatus-consulte de 1804 pour lui décerner ce titré, l’empereur voulait donner à la révolution de 89 sa formule définitive. Avec certains déguisemens parfois, et souvent sans détours, il adaptait au régime nouveau d’anciens usages monarchiques. La légion d’honneur était créée, les dignités militaires reparaissaient, le bâton de maréchal redevenait l’insigne du commandement supérieur, et donnait aux plus célèbres de nos généraux une autorité incontestée sur leurs camarades moins heureux ou moins illustres; des titres purement honorifiques (colonel-général, etc.), des charges de cour, de gros traitemens, des dotations complétaient le système, dont on aurait pu