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pereur estime si peu mon amitié et a tant d’envie de me ruiner, j’ai l’espérance, avec l’aide de Dieu, avant qu’il soit peu, de lui faire connoître que je suis autant digne d’être désiré ami que désespéré ennemi. Par quoi je vous supplie ne vous donner point peine et croire que Dieu fait tout pour le mieux, et vous en venir bientôt, car jamais n’eus tant envie de vous voir que à cette heure[1]. »

Les lettres où éclataient les impatiences de François Ier, qui reprenait ses belliqueuses résolutions, contribuèrent-elles à hâter la conclusion de l’accord en le rendant plus favorable? Louise de Savoie avait donné l’ordre du départ de Cambrai, et le 24 juillet ses équipages commençaient à sortir de la ville[2]. Les négociations paraissaient rompues; mais elles furent aussitôt reprises, et quelques condescendances calculées de Marguerite d’Autriche les firent aboutir enfin à la paix. Cette paix entre les deux princes se conclut aux conditions que François Ier avait primitivement offertes à Madrid en 1525, et que Charles-Quint avait, en 1527, mais sous certaines clauses, admises à Burgos. Par le traité signé le 3 août et célébré le 5 dans la cathédrale de Cambrai, le roi de France abandonnait complètement l’Italie, rendait Asti, Alexandrie, Barlette, ne gardait pas un morceau de terre dans la péninsule, n’y conservait pas un allié, s’obligeait même à presser les Vénitiens de restituer les places qu’ils tenaient encore sur le littoral du royaume de Naples, et, s’ils n’y consentaient pas, à les y contraindre en fournissant 30,000 écus par mois à l’empereur pour leur faire la guerre. La renonciation à l’Italie, qui n’était pour François Ier à Madrid que le sacrifice de ses prétentions sur ce pays, revendiqué par ses prédécesseurs et par lui comme un héritage, devenait de plus à Cambrai le délaissement des alliances qu’il avait nouées depuis la ligue de Cognac, le démenti des paroles qu’il avait récemment encore données à ses confédérés, et pour ainsi dire le contraire des engagemens pris envers plusieurs d’entre eux. Il ne cédait pas à une nécessité aussi impérieuse, mais aussi triste, sans amertume et sans confusion. Outre ce pénible abandon de ses possessions, de ses espérances, de ses amitiés au-delà des Alpes, il cédait vers la frontière du nord la ville, le château et le bailliage de Hesdin, renonçait au rachat des villes et châtellenies de Lille, Douai et Orchies, délaissait toute prétention sur Arras, Tournai, Saint-Amand et Mortagne, dégageait de la dépendance féodale l’Artois, la Flandre et tous les territoires qui depuis les temps les plus anciens relevaient de la couronne de France. La grandeur du royaume était arrêtée et même restreinte de ce côté, où le roi perdait aussi ses alliés, le duc de

  1. Mss. Béthune, vol. 8506, f° 1.
  2. Lettre de Cardacci aux dix de la liberté, du 24 juillet 1529.