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quant d’une façon moins rigide les principes posés à cette époque, consacrait à la défense de la patrie toute la jeunesse française, et permettait cependant de ménager les intérêts du trésor et de la population. Tout Français, en cas de danger national, devait le service militaire. Hors ce cas extrême, l’armée de terre se formait par des enrôlemens volontaires et par la voie de la « conscription, » qui comprenait tous les citoyens de 20 à 25 ans, sauf certaines exemptions et dispenses déterminées ultérieurement[1]. Les « défenseurs conscrits, » selon le mot consacré, étaient divisés en cinq « classes : » la première composée de tous ceux qui au premier jour de l’année courante (1er vendémiaire, 22 septembre) avaient accompli leur vingtième année ; la seconde, de ceux qui à la même époque avaient terminé leur vingt et unième année, et ainsi de suite en remontant. Le pouvoir législatif fixait le chiffre du contingent, et le pouvoir exécutif procédait à l’appel en commençant par les plus jeunes ; on ne devait revenir sur les classes précédentes qu’après avoir épuisé la première classe. Appelés ou non appelés, les défenseurs conscrits étaient rayés du tableau cinq ans après leur inscription, et recevaient alors leur congé définitif, sauf les circonstances de guerre. Quand ils n’étaient pas en activité, ils conservaient tous leurs droits politiques. Ajoutons que les enrôlemens volontaires devaient être gratuits, que les rengagemens donnaient droit seulement à une haute paie, et nous aurons un aperçu de la loi dite de l’an VI ou de Jourdan (qui en fut le rapporteur), mais plus connue encore sous le nom à la fois populaire, et plus tard exécré, de « conscription. » Les détails étaient imparfaits, les dispositions incomplètes ; dans son ensemble, la loi était efficace, juste, pourvu que l’usage en fût réglé par des assemblées libres et vigilantes. Le premier consul demanda tout d’abord et obtint du corps législatif, non pas un contingent, mais la première classe tout entière. Il ne se borna point à cela : dans l’acte[2] qui, toutes réductions calculées, mettait en activité plus de 100,000 hommes, il fit insérer des articles qui modifiaient profondément la loi organique. L’objet de ces changemens, développé dans un arrêté consulaire, était de limiter le nombre des exemptions, surtout de mettre un terme à « l’insoumission, » qui avait pris des proportions inquiétantes, paralysait le recrutement, et troublait l’ordre public. De ces mesures, les unes étaient fiscales : lourdes amendes infligées aux réfractaires, contribution imposée aux dispensés, toutes imputables sur leurs biens présens et à venir ; les autres, nécessaires peut-être dans les circonstances, mais bien regrettables en principe.

  1. 28 nivôse an VII, 19 janvier 1799.
  2. Loi du 17 ventôse an VIII, 7 mars 1800.