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niâtrement poursuivi. La prise de la ville, serrée de près depuis deux mois et demi, dépendait à la fois de la détresse attendue des assiégés et de la force persistante des assiègeans. Or la force des assiègeans et la détresse des assiégés diminuèrent en même temps. Pendant que des vivres entraient dans Naples, une maladie pestilentielle avait envahi le camp français. Communiquée par voie de contagion, cette peste, qui avait parcouru l’Italie, se développa au milieu des entassemens d’une armée dans des tranchées malsaines, et s’accrut par les exhalaisons meurtrières qui s’élevaient des plaines marécageuses où l’on avait fait couler imprudemment l’eau des aqueducs rompus de Poggio-Reale. Les chaleurs en étendirent les ravages. Les chefs comme les soldats en furent bientôt atteints. Il y avait eu déjà beaucoup de morts et il y avait beaucoup plus de malades, lorsque le 17 juillet parut dans le golfe de Naples la flotte française que commandait Barbesieux. Elle apportait un peu d’argent pour payer les troupes et amenait quelques compagnies pour les renforcer. Barbesieux était venu lentement. Il s’était arrêté à Gênes, où il avait laissé un certain nombre de ses soldats au gouverneur Théodore Trivulzi. Il en avait aussi débarqué à Civita-Vecchia afin d’aider les gens du pape, que François Ier pressait toujours de rentrer dans la ligue, à reprendre la citadelle sur les Espagnols. Ge qu’il amenait à Lautrec se réduisait à huit cents hommes, à la tête desquels était le prince de Navarre, frère du roi Henri, qu’accompagnaient plusieurs jeunes seigneurs qui venaient au camp, comme on disait alors, pour y acquérir de l’honneur, et qui y trouvèrent la mort.

Le débarquement s’opéra vers l’est, à une petite distance de Naples, d’où les assiégés enhardis sortirent en nombre sous Fernand de Gonzague et Juan de Urbina. Ils assaillirent vivement l’escorte que Lautrec avait envoyée du camp afin d’y conduire et l’argent et les soldats venus de France. L’attaque fut très impétueuse, et l’argent aurait été enlevé, si Lautrec n’avait en toute hâte envoyé de nouvelles troupes pour soutenir les premières, qui avaient perdu beaucoup de monde et avaient été presque culbutées. L’armée des assiègeans reçut ces faibles sommes et cet insuffisant renfort, qui n’arrivèrent pas sans peine au camp, déjà affaibli et un peu découragé.


V.

Dès ce jour les espérances y déclinèrent à mesure que les forces y décrurent. Lautrec avait dirigé jusque-là tout seul et la cam-