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s’accorder avec vous. La raison de son malcontentement est que le roy ne lui a voulu bailler Savone pour la mettre en l’obéissance de Gênes. Je crois fermement que si vous l’assurez de ce point et de la liberté de Gênes et payez la solde de ses galères avec la promesse de lui faire quelque bien en ce royaume, vous le pourriez avoir pour vous. Vous savez, sire, quel homme il est et la nécessité où vous estes. Je vous supplie, sire, ne vouloir refuser rien qu’il vous demande, car jamais chose ne vous vint si à propos que cet accord, s’il vient à bien. Avec les galères que vous faites et les siennes, vous serez seigneur de la mer[1]. » Charles-Quint devait suivre bientôt les prévoyans conseils du prince d’Orange, tandis que François Ier ne se rendit point aux habiles supplications de Lautrec.

Barbesieux, chargé de s’assurer d’André Doria, ne put pas le prendre. Le prudent Génois s’était retiré avec sa petite flotte et ses prisonniers dans le port et sous le château fortifié de Lerici, au golfe de la Spezzia. Il attendit là que le terme prochain de son service fût arrivé. François Ier, qui n’avait pas su le retenir, fit alors de son mieux pour le ramener. Il multiplia les offres et eut recours à l’entremise de Clément VII, qui envoya successivement son camérier Bartolomeo da Urbino et son secrétaire Sanga à André Doria pour négocier une réconciliation sur un pied très avantageux avec le roi très chrétien ; mais André Doria, redevenu libre et poussé par le marquis del Guasto et le connétable Ascanio Colonna, ses prisonniers, à traiter avec l’empereur, se refusa aux offres du roi et aux invitations du pape. Il avait déjà fait porter ses conditions en Espagne. Il demandait que l’empereur le reçût à son service avec douze galères qu’il commandait moyennant une solde de 60,000 écus par an, qu’il consentît à ce que la république de Gênes se gouvernât dans une entière liberté aussitôt qu’elle aurait été soustraite à la dépendance des Français, et que, placée dans l’alliance de l’empereur, elle remît comme autrefois Savone sous sa domination. Avant que ces propositions fussent acceptées et que Charles-Quint contractât des engagemens qu’il eut l’habileté de prendre et de tenir, André Doria avait cessé d’être au service de François Ier.

C’est au commencement de juillet que Philippino Doria, rappelé par son oncle, était sorti du golfe de Naples et avait fait voile vers Lerici. Dès ce moment, des navires envoyés de Sicile et des îles voisines avaient porté des subsistances à l’armée impériale aux abois[2] et rendu beaucoup plus douteuse l’issue d’un siège si opi-

  1. Lettre du prince d’Orange à Charles-Ouint, du 14 juin 1528. — Archives impériales et royales de Vienne, et dans Lanz, t. Ier, p. 275.
  2. « Dopo la partita del conte Filippino, mentre sono state le galere Venetiane sole, sono entrate et uscite di Napoli a placer loro di bel mezo di, et a vista delle galere 15 et 20 fregate insleme con gran rinfrescamento a gli assediati. » Lettre du 4 août 1528 écrite au cardinal Salviati, légat en France. — Lettere di principi, vol. II, f° 112 v°.