Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 68.djvu/382

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

spéciale, mais peu enviable. Une fois là, d’Egvilly, admis à la voir en qualité de beau-frère, la fit agir et parler comme il convenait à ses projets. Le procès fut entamé à la grande surprise de M. de Fresne, qui venait justement de payer jusqu’à concurrence de trois cent mille livres les dettes posthumes du président du Tillet. Il ne fut pourtant pas longtemps à deviner d’où partait le coup, et, pour le parer autant qu’il était en lui, sollicita, par l’intermédiaire d’un ami commun, le désistement de sa femme. Celle-ci, tout aussi portée aux réconciliations qu’aux ruptures, prêta l’oreille aux avances qui lui étaient faites, et dès la première visite qu’elle reçut du marquis elle envoya chercher deux notaires, par-devant lesquels elle déclara et signa que toutes ses plaintes étaient sans fondement, et qu’elle avait été poussée, par les sollicitations de parens qu’elle ne voulait pas nommer, à formuler ces griefs chimériques. M. de Fresne avait-il cru devoir acheter ce désaveu solennel par quelque promesse de la recevoir en grâce? La chose n’est pas absolument improbable. En tout cas, il est certain que, sur la demande de la dame, il vint la reprendre pour l’emmener à Fresne, où ils passèrent huit mois ensemble sans aucune apparence de désaccord. Malheureusement il y reçut aussi le misérable d’Egvilly, qu’il ne voyait plus depuis quelque temps, mais qui vint solliciter une réconciliation indispensable à ses projets ultérieurs.

En effet, déçu par l’inconstante volonté de la marquise, il s’était promis, après lui avoir fait honte de sa défection, qu’il la ramènerait dans le camp des ennemis de son époux, et, en l’obsédant de ses plaintes, de ses promesses, — surtout en lui dénonçant ce qu’il appelait les torts du marquis, — il réussit à lui faire quitter une fois de plus son mari. Un oncle à elle, M. de La Cour des Bois, ennemi mortel de M. de Fresne, prêta son aide à ces nouvelles menées. Il fut convenu, d’accord avec le président, que, se dérobant de Fresne à l’insu de son mari, elle se retirerait chez des religieuses dont le couvent était à une demi-lieue du château, en se plaignant hautement d’avoir été forcée de s’échapper ainsi pour se soustraire à une odieuse séquestration. Ses complices se réservaient de la faire venir un peu plus tard à Paris, où elle serait mieux placée pour subir leur influence et recevoir leurs directions.

Ainsi dit, ainsi fait. Profitant de la parfaite indifférence avec laquelle M. de Fresne laissait sa femme agir comme elle l’entendait, d’Egvilly vint la chercher nuitamment, et, avec l’aide d’un valet de chambre qui s’était laissé gagner, il la conduisit d’abord au couvent en question, puis quelques jours plus tard dans la capitale, où fut solennellement repris le procès en séparation.

L’issue n’en était guère douteuse malgré les espérances que le