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responsabilité de ce qui pouvait en advenir. » Sur ces entrefaites, et la veille même du jour où il devait se rendre volontairement en prison, M. de Fresne, étant allé souper chez un de ses amis, fut prié d’y passer le reste de la nuit. Or, comme sa chaise s’en retournait à vide, quatre ou cinq hommes la vinrent assaillir, tirèrent au travers deux coups de mousqueton, et se hâtèrent ensuite de prendre la fuite sans vérifier autrement le résultat de leur méfait. Au lendemain, d’Egvilly ne manqua pas de venir dès le matin chercher des nouvelles de la santé de son frère, et ne fut pas médiocrement décontenancé d’avoir à l’aller trouver sain et sauf dans l’hôtel où il était si heureusement resté à coucher.

Nonobstant les instances réitérées de ses officieux conseillers, le marquis s’alla rendre prisonnier. Pendant sa captivité, qui dura trois semaines, il ne les vit ni l’un ni l’autre; mais il apprit que, lui reprochant hautement de ne les avoir point écoutés, ils lui rendaient sous main toute sorte de mauvais services. Le président surtout, chaque fois qu’il rencontrait les juges de l’affaire, les priait avec affectation de vouloir bien servir M. de Fresne, prenant soin d’ajouter que « l’indulgence leur serait difficile, puisqu’il s’agissait évidemment d’un duel, » et pesant beaucoup sur « l’imprudence que le marquis avait commise en essayant de purger sa contumace. » Cette manière de solliciter pour le marquis de Fresne lui était, comme on pense, beaucoup plus nuisible qu’utile, les magistrats qu’on ébranlait ainsi par ce langage à double fin ne pouvant se rendre compte des motifs qui le dictaient à leur collègue.

Le matin même du jour où le jugement devait se rendre, et une heure avant l’interrogatoire du prévenu, d’Egvilly vint le trouver pour lui tendre un dernier piège. — On s’accordait généralement, lui dit-il, à trouver bien douteuse l’issue du procès. Il y avait partage de voix et par conséquent peu de sûreté pour la vie du marquis. — Il lui conseillait donc de se sauver, et s’offrait à faciliter son évasion. Le temps n’était plus où ce témoignage d’affection fraternelle aurait pu toucher et tromper M. de Fresne. Il remercia néanmoins le donneur d’avis, mais sans accepter ses offres, et l’événement lui donna raison, car aussitôt après avoir répondu aux diverses questions qui lui étaient posées il fut renvoyé absous avec tous les honneurs de la guerre.

Une lettre du marquis à Mme de Novion établit que le soir même il se rendit chez le président pour le remercier de ses prétendus services, et qu’il fut admis auprès de la dame de ses pensées; elle se trouvait malheureusement en nombreuse et hostile compagnie. Non-seulement le mari, mais le chevalier de Novion et M. d’Egvilly assistaient à cette embarrassante rencontre. « Je ne faisais que sortir de prison, lui disait-il, lorsque j’entrai dans cette chambre, où