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tracés, les principes qui doivent présider à la formation des armées actives posés et mis en pratique, la légion romaine ressuscitée dans la division française, tels sont les progrès accomplis sous l’administration de Carnot. — Tout n’était pas exclusivement son œuvre, mais il eut le mérite de faire exécuter partout ce qui avait été tenté avec succès sur quelques points, et d’étendre à tous le bénéfice de l’expérience si promptement et si chèrement acquise par quelques-uns. Dans cette œuvre immense commencée au milieu des défaites, ébauchée en quelques jours, menée à fin en quelques mois, il fut assisté par Robert Lindet et par Prieur de la Côte-d’Or, son ancien camarade du génie; à eux trois, ils formaient au milieu du redoutable comité le groupe des travailleurs. Chef de ce triumvirat administratif, Carnot exerçait une incontestable supériorité. Devenu le véritable ministre de la guerre (car le ministère même avait été supprimé), il pouvait considérer ses deux collègues comme des directeurs-généraux auxquels il confiait certaines attributions; il s’était exclusivement réservé les opérations militaires, qui devaient marcher de front avec la réorganisation de l’armée, dont le succès cependant dépendait de cette réorganisation même. Il substitua l’accord et la méthode à l’absence de plan et à la dissémination des efforts. Convaincu qu’en voulant être présent partout on était faible partout, il recommanda aux généraux en chef de resserrer leur front, leur indiqua le point qu’il jugeait décisif, et leur prescrivit d’y porter les masses principales. Bientôt Dunkerque est délivré par la bataille d’Hondschoote; Carnot, joignant l’exemple au précepte, court auprès de Jourdan et prend part à la victoire de Wattignies, au déblocus de Maubeuge. En même temps l’armée du Rhin s’avance aux cris de « Landau ou la mort, » et par un effort héroïque dégage cette forteresse, qui faisait partie de la vieille France. Après ce triple retour offensif, un changement s’opère dans la distribution des armées; nous en avions cinq entre la mer et le grand fleuve, elles sont réduites à trois : à gauche l’armée du Nord, à droite celle de Rhin et Moselle, sous un même commandement, au centre celle de Sambre et Meuse, destinée au principal rôle, formée de l’ancienne armée des Ardennes et de divisions enlevées aux deux ailes. Cette disposition, conçue avec sagacité, exécutée avec hardiesse, étonne l’ennemi, déjoue ses plans, et s’achève dans les plaines de Fleurus par une victoire qui sauva la France. Les derniers jours de l’année 1794 voient nos armées border le Rhin de Bâle à Dusseldorf, pénétrer en Hollande, couronner les cimes des Pyrénées et des Alpes. Le 4 mars 1795, Carnot parlant devant la convention put résumer les résultats d’une administration de dix-huit mois par un tableau qui vaut la plus éloquente péroraison : « 27 victoires, dont 8 en