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cercle, et leurs dunes blanches se confondent avec les brisans dans les vapeurs de l’espace éloigné. Des villes et des villages entrevus à travers les rideaux de peupliers se montrent dans les prairies ; çà et là, des reflets de lumière indiquent le méandre d’un fleuve ou d’un ruisseau, et sur les pentes les plus rapprochées étincellent les nappes des cascades. Autour de la pointe sur laquelle on s’est placé pour contempler le grand horizon, on voit se dresser en cercle une multitude d’autres sommets où le regard d’un homme habitué aux montagnes peut seul reconnaître une disposition régulière en chaîne maîtresse et en chaînons transversaux. À l’ouest, de longs promontoires détachés de l’arête principale s’abaissent de croupe en croupe jusqu’à la mer : entre leurs remparts parallèles, les premiers, verts de pâturages, les autres, revêtus d’un voile de vapeurs azuré par la distance, se cachent les vallées du Guipuzcoa et de la Biscaye ; du côté de la Navarre, un amphithéâtre de cimes entoure les campagnes fertiles qui furent jadis la république fédérale des cinq villes libres du Bastan ; à l’est enfin, on aperçoit par-dessus les hauteurs des Aldudes, rouges de bruyères, et les croupes de Roncevaux et d’Iraty, toutes couvertes de forêts, le grand pic neigeux et rayonnant d’Anie, qui depuis vingt siècles marque de sa masse pyramidale la frontière du pays des Euskariens.

Ce qui frappe dans ce petit territoire, si étroit pour toute une race d’hommes, c’est la grâce des vallées et des montagnes. Le versant septentrional des Pyrénées basques surtout charme par la verdure de ses plaines et les contours adoucis de ses hauteurs. Les districts situés en Espagne ont, il est vrai, bien des escarpemens abrupts et des plaines dénudées ; mais, comparées à d’autres régions espagnoles d’un aspect formidable de nudité, celles-ci sont presque des types de beauté champêtre : il est même un certain nombre de vallées, notamment du côté de l’est, qui n’ont point encore été dépouillées de leurs arbres, et l’on sait si la parure des bois est chose commune au sud des Pyrénées. Comme dans tout pays de montagnes, des parois de rochers, de grands blocs isolés se dressent sur le versant des monts ; mais la plupart des hauteurs cachent leur ossature de calcaire ou de grès sous une couche de terre rouge ou noirâtre qui se recouvre d’ajoncs, de genêts et de fougères. Les pentes sont douces, les cols ouverts entre les monts sont larges et d’un facile accès ; on ne voit guère de ces défilés sauvages, de ces âpres sentiers que l’imagination se figure dans toutes les contrées montagneuses. Le passage de Roncevaux, que sur la foi des légendes on se représente volontiers comme une gorge effroyable entre des rochers à pic, est au contraire un vallon sinueux et tranquille ; le célèbre mont d’Altabiscar, qui s’é-