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et dans lesquelles se trouvent un lit, une chaise et une bible. De légères galeries, auxquelles on monte par un escalier, conduisent à chacune des rangées de portes ou, pour me servir de l’expression navale, à chacune des batteries supérieures, construites en bois. Le matelot qui dort dans une de ces cabines peut aisément se figurer qu’il n’a point quitté la mer. Les directeurs, on le voit, n’ont rien négligé pour lui faire aimer son chez-lui, car c’est ainsi qu’ils veulent que le marin considère le home. Outre certains jeux d’agrément, il a l’usage d’une bibliothèque confiée aux soins du chapelain et reçoit la visite journalière d’un médecin. On laisse naturellement le matelot libre d’aller et de venir au dehors comme il l’entend. À onze heures et demie, il est vrai, la porte de la rue se ferme ; mais le pensionnaire qui désire rentrer à toute autre heure de la nuit obtient une passe du surveillant. Ce qui étonne au milieu de cette libéralité de bien-être, c’est le bon marché de la pension[1]. Il est vrai que, très différens des crimps, les économes du sailor’s home ne cherchent point à gagner sur le marin, et que des personnes généreuses ont au contraire fait d’assez grands sacrifices pour fonder une œuvre dont il nous faut étudier les ressources.

Le sailor’s home se trouve pour ainsi dire enté sur une société dont les membres paient une souscription d’au moins 1 liv. sterl. par an. Ceux qui versent en une fois la somme de 10 liv. sterl. sont membres à vie. Telle est bien l’une des branches de revenu pour l’établissement ; cependant, hâtons-nous de le dire, ce n’est point la principale. Les recettes, qui varient de 7,000 livres sterling (175,000 francs) à 9,000 livres sterling (225,000 francs), viennent surtout de l’argent que paient les marins pour leur logement et leur nourriture. N’était une dette d’environ 300 livres sterling (6,500 francs) contractée pour un ancien achat de terrain, l’institution serait à la veille de se soutenir par elle-même, et il importe beaucoup, je crois, qu’il en soit ainsi. Il a fallu que la main de la bienveillance intervînt pour fonder une œuvre qui ne se serait jamais créée sans cela ; mais à présent que le sailor’s home existe, n’a-t-il point tout intérêt à se séparer le plus tôt possible d’un système de protection toujours un peu humiliant? Le matelot est fier et indépendant par nature ; une partie de ses vices, tels que l’insouciance et la prodigalité, tiennent même à la confiance que lui inspirent ses forces et les ressources de sa profession. Que lui importe la dépense et pourquoi songerait-il au lendemain ? N’a-t-il

  1. Les officiers de la marine marchande paient 17 sh. (22 fr. 10 c.) par semaine, y compris la nourriture, le logement et le blanchissage, les simples matelots, et les mousses 14 sh. (17 fr. 65 c.).