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regrettable, avance un souverain (25 fr.) à chaque matelot ainsi dépourvu, et lui laisse le temps de toucher son salaire tout en l’entourant aussitôt d’une généreuse hospitalité. Une autre preuve de sollicitude a été de mettre à l’abri du pillage l’argent du marin si durement gagné, et dans la plupart des cas si aisément dissipé. L’institution reçoit à titre de dépôt toutes les sommes que les pensionnaires veulent bien lui confier, et ces versemens, dont la banque du sailor’s home se regarde comme responsable, donnent lieu à une comptabilité assez étendue[1]. Le caissier se charge en outre, pour peu que les pensionnaires le désirent, du recouvrement de certaines créances, des envois d’argent à la famille du matelot et de toutes les autres affaires qui demandent quelques connaissances pratiques. Les directeurs se sont aussi préoccupés de l’instruction du marin. A l’établissement se trouve annexée une école de navigation, navigation school, dans laquelle on enseigne les principes de la géométrie, de l’algèbre et de l’astronomie nautique. L’édifice touche en même temps à une église connue sous le nom de seamen church (église des matelots), et à laquelle les pensionnaires du sailor’s home peuvent se rendre le dimanche sans sortir de chez eux; mais on laisse à chacun la plus entière liberté de conscience, et les services religieux ne sont suivis que par les hommes de bonne volonté. Qui ne saisit déjà le but de cette institution, fondée pour accroître le bien-être et élever le moral de la population maritime?

L’horloge vient de sonner une heure de l’après-midi, et un coup de cloche annonce le dîner. Ln grand escalier de pierre conduit à un premier étage où se trouvent deux tables dressées dans deux salles différentes, l’une pour les officiers et l’autre pour les simples matelots. C’est cette dernière qui doit surtout appeler notre attention. On voit entrer de moment en moment des groupes d’hommes à figure honnête portant sur leurs joues brunes la livrée du soleil et de la brise. Quelques-uns d’entre eux sont vêtus avec une certaine recherche, surtout en ce qui regarde leur cravate, maintenue par un anneau d’or ou d’argent (c’est la grande coquetterie du marin); d’autres portent au contraire la grosse veste bleue sous laquelle ils ont défié l’éclair et la houle. Il y en a de toutes les nations et de toutes les couleurs, car le sailor’s home est pour tout le

  1. L’ensemble de ces dépôts s’élève depuis l’origine de l’établissement à la somme de 1,358,704 liv. sterl. (33,967,600 fr.). Au 30 avril 1866, l’argent reçu à la caisse pendant l’année et appartenant aux marins formait un chiffre de 94,811 livres sterling (2,370,275 fr.). Sur ce total, ils avaient envoyé à leurs familles 36,691 livres sterling (917,275 fr.); ils avaient placé à la caisse d’épargne 3,662 liv. sterl. (91,550 fr.), et le reste, c’est-à-dire 51,458 liv. sterl., avait été retiré par les dépositaires.