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frappé de la folie des vagues que des grandes harmonies de l’océan. Un des premiers, il a célébré le triomphe de l’intelligence sur ce sauvage élément mobile. Qu’aurait-il dit, s’il avait pu voir nos modernes frégates de fer traversant le détroit ? Ce n’est point elles qui redoutent la mer ; on dirait plutôt que c’est la mer qui les craint, tant la lame recule devant leur proue avec une sorte de respect. Les navigateurs ne contribuent donc point seulement au commerce et à la prospérité des nations, ils accroissent en outre la confiance de l’homme et ses moyens d’action dans la lutte avec la nature.

À la marine anglaise se rattachent diverses institutions qu’il faut étudier une à une, si l’on veut se faire une idée de l’ensemble du système[1]. Il nous reste aujourd’hui à indiquer le grand centre des assurances maritimes, les efforts qui ont été tentés pour améliorer la condition du marin durant son séjour à terre, et aussi quelques récentes expériences tendant à répandre l’instruction parmi une classe d’hommes non moins glorieux autrefois de leur ignorance que justement fiers de leur bravoure.

I.

À Londres, au cœur de la Cité, s’élève un édifice de pierre avec un portique, des colonnes corinthiennes, un fronton, des statues et une tour qu’anime de temps en temps une joyeuse sonnerie de cloches. Ce monument, sans caractère national et sans originalité, pourrait aussi bien se trouver à Hambourg, à Berlin ou à Moscou. Cependant c’est la Bourse de Londres[2]. Plusieurs traits extérieurs la distinguent de la nôtre : d’abord on n’y joue point sur les fonds publics, et les boursiers ou marchands, au lieu de se réunir dans une salle, se tiennent dans une cour à ciel ouvert ressemblant assez bien aux cortili des palais italiens. Des galeries couvertes à colonnes, à arcades et à panneaux blasonnés forment autour de cette cour une espèce de cloître dans lequel on peut se promener ou se réfugier en cas de mauvais temps. Les Anglais, même dans les œuvres d’art, ne perdent jamais de vue l’utilité. On a beaucoup ri de la statue du duc d’York, qui, debout au sommet d’une colonne près de Saint-James’s Park, porte un paratonnerre

  1. Voyez les livraisons du 15 octobre et du 1er décembre 1866.
  2. Cet établissement fut fondé en 1565 par Gresham, qui en avait conçu l’idée durant son séjour à Anvers. Un incendie ayant détruit l’édifice primitif, un autre fut reconstruit par Christophe Wren en 1667. Ce dernier fut de même brûlé en 1838. Le prince Albert posa en 1842 la première pierre de la présente Bourse de Londres. William Tite en fut l’architecte.