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de grands animaux marins, tels que le morse, le narval, des vertèbres de grandes baleines et des coquilles de mollusques, les uns marins, les autres habitant des eaux douces. Ces couches sont donc fluvio-marines, c’est-à-dire semblables à celles qui se déposent à l’embouchure des fleuves. Au-dessus se trouve un banc d’argile rempli de cailloux anguleux (boulder clay), souvent frottés ou rayés, et accompagnés des blocs erratiques de syénite, de granité et de porphyre provenant des montagnes de la Norvège : c’est évidemment un dépôt glaciaire; il est recouvert de couches de terrain de transport d’origine aqueuse, puis de sable et de gravier, et enfin de terre végétale. Cette coupe des falaises de la côte de Norfolk est pleine d’enseignemens : elle nous apprend qu’à une certaine époque le sol de l’Angleterre et le fond de la mer, soulevés de 180 mètres au moins, faisaient partie du continent européen; c’est l’époque où le pays fut envahi par les plantes et les animaux de la terre ferme en général et de l’Allemagne en particulier. À cette période d’exhaussement succède une période de subsidence. Les portions immergées ou émergées s’affaissent simultanément, lentement, insensiblement, et au bout d’un nombre de siècles que l’imagination n’ose supputer, l’Angleterre, l’Écosse et l’Irlande redeviennent des îles : elles s’enfoncent dans la mer plus profondément que dans l’état actuel des choses. L’argile à cailloux rayés et à blocs erratiques originaires de la Scandinavie, puis les couches fluvio-marines se sont déposées à cette époque dans le sein de la mer. La hauteur à laquelle on trouve dans les montagnes des dépôts stratifiés contenant des coquilles marines prouve que la subsidence a dû être en moyenne de 450 mètres environ dans les îles britanniques. Les montagnes de l’Écosse, du pays de Galles, du Cumberland et de l’Irlande étaient alors seules exondées, et les îles britanniques se réduisaient à un archipel composé de quatre grandes îles et de beaucoup de petites[1]. Cette immersion correspond à la première époque de la période glaciaire. Des légions de masses flottantes détachées des glaciers du Groenland et de la Norvège venaient échouer sur les côtes de ces îles et y apportaient les débris et les blocs tombés des montagnes boréales. La mer refroidie nourrissait les mêmes coquilles que celles des régions arctiques. La flore et la faune terrestre avaient complètement disparu, sauf quelques végétaux et quelques animaux insensibles au froid et réfugiés sur les sommets qui s’élevaient encore au-dessus de la surface des eaux.

Les preuves d’une submersion pendant la première époque glaciaire ne sont pas moins évidentes en Écosse qu’en Angleterre. Sur

  1. Voyez Ch. Lyell, l’Ancienneté de l’Homme, fig. 40, p. 292.